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excite son émulation ; il se croirait heureux, après des désastres pareils, d’en provoquer une du même genre et d’en inspirer le besoin : « Ô Bourdoise, s’écrie-t-il, où êtes-vous ? » La Tradition de l’Église sur l’Institution des Évêques, publiée en 1814, aux premiers jours de la Restauration, avait été commencée, dès 1809, au petit séminaire de Saint-Malo, où M. de La Mennais était entré en prenant la tonsure. Il y enseignait les mathématiques, et c’est à ses heures de loisir, sur les cahiers de son frère, fondateur et supérieur du séminaire, qu’il rédigeait cet ouvrage de théologie ; il l’avait depuis achevé, de concert avec lui, dans la solitude de La Chênaie. Il n’en fut donc pas le seul, l’essentiel auteur, et on peut expliquer ainsi, s’il en est besoin, l’espèce de contradiction, d’ailleurs fort légère, qu’on s’est plu à faire remarquer entre certaines opinions énoncées par lui dans la suite, et un ou deux passages du discours préliminaire de ce livre. Dès cette époque, ses principes étaient fermement assis sur les questions vitales de liberté. Il écrivait à un ami, au sujet d’un des premiers mensonges de la Restauration[1] : « Je viens de lire le projet de loi napoléonienne sur la liberté de la presse ; cela passe tout ce qu’on a jamais vu. Buonaparte opprimait la pensée par des mesures de police arbitraires, mais une sorte de pudeur l’empêcha toujours de

  1. Cette lettre, qu’on retrouve dans les Œuvres inédites de La Mennais, publiées par M. Blaize (1866), est adressée, à la date du 7 juillet 1814, à l’abbé Jean, qui m’avait lui-même, dans le temps, communiqué cet extrait ainsi que des notes pour mon article.