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PORTRAITS CONTEMPORAINS.

voya de Rome sa procuration pour le payement de cette pension que Béranger toucha jusqu’en 1812. Il est piquant que celui qui ne veut pas être de l’Académie ait commencé par avoir part à des émoluments d’Académie[1]. Recommandé à Landon, éditeur du Musée, notre poëte fut occupé un ou deux ans (1805–1806) à la rédaction du texte de cet ouvrage. En 1809, grâce à l’appui de M. Arnault, il entra dans les bureaux de l’Université, en qualité de commis-expéditionnaire[2]. Durant les douze années qu’il passa à cet

  1. Béranger ne revit Lucien qu’une fois en 1815, précisément au moment où celui-ci sortait pour faire quelque lecture (d’une ode, je crois) à l’Institut. Lucien lui reprocha amicalement d’avoir négligé ses débuts sérieux pour la chanson ; les chansons de Béranger à cette époque (à part le Roi d’Yvetot) n’étaient pas ce qu’elles devinrent. Le dernier recueil de 1833 est dédié à Lucien.
  2. Le hasard m’a procuré la lettre honorable et modeste par laquelle Béranger sollicita en cette occasion M. de Fontanes ; la voici : c’est une pièce intéressante de plus à ajouter à toutes celles qui témoignent de ces luttes secrètes du talent et de la fortune :
    « Monsieur,

    « Mon nom vous est inconnu. La circonstance qui aurait pu lui donner une place dans votre mémoire est trop éloignée pour que vous puissiez vous le rappeler. Je crains même de retracer inutilement à votre souvenir cette circonstance qui seule me donne l’espoir de vous inspirer quelque intérêt.

    « Il y a quatre ans que M. Lucien Bonaparte, mon protecteur, vous lut, Monsieur, deux poëmes, l’un du Rétablissement du Culte, et l’autre du Déluge ; selon ce qu’il m’a dit, ces ouvrages, quoique chargés de fautes, obtinrent votre éloge. Apparemment que quelques-uns de ces traits que parfois le hasard fait rencontrer à la médiocrité vous portèrent à l’indulgence envers une muse novice. J’ai su, Monsieur, que votre suffrage ainsi que celui de M. Arnault, qui depuis m’honore de son amitié, contribua