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BÉRANGER.

Vers la fin de 1803, Béranger ayant fait un paquet de ses meilleurs vers, idylles, méditations, dithyrambes, etc., etc., les adressa, en les accompagnant d’une lettre fort digne, à un personnage éminent d’alors. Le succès de sa missive dépassa son espérance. Lucien Bonaparte (car c’était lui) accueillit en ami des lettres le jeune poëte, écouta ses projets, lui recommanda la correction, lui déconseilla Clovis comme barbare ; il eût préféré César. Il lui indiqua pour sujet à traiter la Mort de Néron, et Béranger exécuta cette tâche avec plus d’application que de réussite. Lucien ne borna pas sa protection à des conseils, il fit don au jeune homme de sa pension de l’Institut. Proscrit quelques mois après et ayant dû quitter la France, il en-

    un vieillard.

    Jeune fille au riant visage,
    Que cherches-tu sous cet ombrage ?

    une jeune fille.

    Des fleurs pour orner mes cheveux.
    Je me rends au prochain village
    Avec le printemps et les jeux.
    Bergères, bergers amoureux,
    Vont danser sur l’herbe nouvelle ;
    Glycère est sans doute avec eux.
    De ce hameau c’est la plus belle ;
    Je veux l’effacer à leurs yeux.
    Voyez ces fleurs, c’est un présage…

    le vieillard.

    Sais-tu quel est ce lieu sauvage ?

    la jeune fille.

    Non, et tout m’y paraît nouveau.

    le vieillard.

    Là repose, jeune étrangère,
    La plus belle de ce hameau.
    Ces fleurs pour effacer Glycère,
    Tu les cueilles sur son tombeau.