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PORT-ROYAL.

de sept ans, comme fait le commun du monde. Il y a des enfants qui, connoissant plus tôt le mal, sont capables de le commettre avant cet âge. Il est vrai que, comme les passions ne sont pas encore bien vives, il n’y a pas à appréhender de si grands maux. Mais si leurs fautes ne sont pas telles qu’elles les fassent tomber dans la damnation, il jugeoit par l’exemple de Dinocrate, frère de sainte Perpétue *, qu’elles peuvent au moins différer leur bonheur : c’est pourquoi il prioit, mais avec confiance, pour ceux qui avoienteu quelque usage de raison. »

Ces pages de Tillemont complètent et achèvent d’exprimer, ce me semble, tout ce que nous pouvons rendre de l’idée grave, profonde, à la fois terrible et, j’ose dire, chrétiennement clémente , de Venfance, telle qu’elle est empreinte dès l'origine dans l'institution des Ecoles de Port-Royal, et telle qu’elle en ressort fidèlement. M. de Tillemont, cet enfant de Port-Royal si irrécusable et si authentique, dans la circoncision générale de cœur et d’esprit dont toute sa vie offre l’exemple, semble fait en même temps pour adoucir, sur plus d’un point, et pour modérer ce que certaines de nos teintes ont pu présenter de trop sévère et de trop antipathique à la nature. Si son père vénérable lui survécut de quelques jours, il eut à ensevelir sa mère. Il venait à Paris pour la voir ; et, en entrant au logis où il croyait la trouver vivante, il apprit qu’elle était morte. Frappé de ce coup soudain, lui qui avait l’âme fort tendre, il se contint pourtant. Il accepta même l’offre que lui fit le curé de la paroisse de dire la grand’messe funèbre, et il se trouva de force à célébrer jusqu’au bout la cérémonie de la sépulture. Nous reconnaissons là l’élève et le successeur 1. Le petit Dinocrate, mort à l’âge de sept ans, apparut à sa sœur comme étant dans les peines de l’autre vie, et il en fut délivré par les prières de la Sainte. (Tillemont, Mémoires pour servir à l'Histoire Ecclésiastique, tome III, page 148, seconde édition.)