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au Pape, avec toute la soumission que des enfants doivent à leur Père et les membres à leur Chef, qu’on peut l’avoir surpris en ce point de fait ; qu’il ne l’a point fait examiner depuis son pontificat, et que son prédécesseur Innocent X avait fait seulement examiner si les Propositions étoient hérétiques, mais non pas si elles étoient de Jansénius. » À quoi les adversaires répondaient très-pertinemment qu’il suffit de lire le préambule et la conclusion de la Bulle d’Innocent X[1] pour voir qu’on songeait tout à fait à Jansénius en condamnant ces Propositions. De plus, le pape Alexandre VII, qui, étant le cardinal Chigi, avait assisté et coopéré autant que personne à cet examen et à cette condamnation, en savait apparemment quelque chose ; et il déclara qu’une telle assertion, par laquelle on osait avancer que les Propositions avaient été condamnées en elles-mêmes et abstraction faite du livre de Jansénius, était un insigne mensonge. Nous sommes en style de controverse théologique, le mentiris va et vient des deux côtés ; mais ici il faut convenir que la réponse porte directement.

3° Pascal (XVIIIe Lettre), pour prouver que les Jansénistes condamnent les Propositions condamnées par le Pape et dans le sens même où le Pape les a condamnées, s’attache à séparer leur interprétation de celle de Calvin, à la rapprocher de celle des Thomistes, et il va jusqu’à dire : « Ainsi, mon Père, vos adversaires (les Jansénistes) sont parfaitement d’accord avec les nouveaux Thomistes mêmes, puisque les Thomistes tiennent comme eux et le pouvoir de résister à la Grâce, et l’infaillibilité de l’effet de la Grâce qu’ils font profession de soutenir si hautement. » Or, les contradicteurs remarquaient assez justement que, si c’avait été là le sentiment

  1. Voir précédemment, page 19 de ce volume.