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APPENDICE.

à l’affût, qui voit dans chaque auteur qui paraît, dans chaque livre qui passe, le plus ou le moins de christianisme qu’il contient ou qu’il affecte, et qui, sur cette mesure, donne chaque mois avec émotion le tarif moral du siècle, M. de Pressensé (septembre 1858) se mit en frais de lamentations et de gémissements au sujet de M. Scherer, qui lui répondit avec la précision de la science et l’amertume de la force (Nouvelle Revue de Théologie, octobre 1858). L’École critique faisait sentir son nerf à l’École sentimentale.

Depuis lors, dans le Lien, journal des Églises réformées de France (29 janvier et 12 février 1859), M. Frédéric Chavannes, chrétien sincère, esprit sérieux et attentif, a donné le résumé du débat et a essayé de faire la juste part de chacun. Cet estimable rapporteur, très au fait des doctrines et de l’histoire de Port-Royal, a montré du reste qu’il n’est pas étonnant que toute cette discussion entre théologiens protestants se rattache, par le point de départ, à la plus célèbre production partie d’une main janséniste. Malgré de nombreuses et graves différences en effet, il y a un lien réel entre l’inspiration chrétienne intérieure de Saint-Cyran, de Pascal, et celle des grands Réformés : pour eux tous la foi en la parole de Dieu se fonde moins encore sur la tradition de l’Église que sur le témoignage du Saint-Esprit. Ajoutez que les uns et les autres présupposent une interruption de tradition, une corruption radicale et très-ancienne (il ne s’agit que de plus ou moins d’ancienneté) dans l’Église catholique.

Une réflexion se présente d’elle-même au sortir de cette discussion exclusivement protestante, surtout si l’on se rappelle une dissertation du Révérend Père de Montézon qui peut se lire dans l’Appendice de notre premier volume. Il s’ensuit que tandis que les Catholiques romains et orthodoxes par excellence, les Jésuites, repoussent de toute leur force les Jansénistes à titre d’hérétiques, les Réformés les tirent à eux tant qu’ils peuvent, les accueillent à titre de frères, de cousins, et communiquent familièrement avec eux. Ainsi repoussés du centre, attirés et invités par delà la frontière, la situation des Jansénistes est singulière et apparaît dans toute sa fausseté.


SUR L’ENSEIGNEMENT DE PORT-ROYAL.


(Se rapporte à la page 525.)


Ayant désiré avoir l’avis de l’un des hommes les plus savants que la France ait enlevés à l’Allemagne, M. Dübner, touchant ces