Page:Sainte-Beuve - Port-Royal, t3, 1878.djvu/619

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
609
APPENDICE.

donné dans cette même lettre par M. Vuillart, au point de vue janséniste, mais avec le désir d’être impartial :

« Les Jésuites sont fort humiliés ici de leur petit nombre de prédicateurs et de leur médiocrité de talent pendant que l’Oratoire en fournit tant et de si habiles. On ne parle que du seul Père Gaillard (jésuite) qui fasse quelque figure à Saint-Jacques-de-la-Boucherie. Encore a-t-il eu d’abord si peu d’auditeurs que le curé de la paroisse s’en plaignoit au prône et recommandoit avec instance à ses paroissiens de le venir entendre, comme un de nos grands vicaires m’en a assuré. On auroit beau le recommander dans le voisinage de Saint-Jean, où prêche le Père Hubert, et de Saint-Gervais, où le Père Massillon brille de plus en plus, on l’abandonneroit comme est abandonné le jésuite de Saint-Nicolas-des-Champs, si le public n’avoit pour lui quelque reste de prévention favorable. Il est certain qu’il a bien du bon et plus que ses confrères. Sa morale n’est pas relâchée. C’est celui des Jésuites, avec le Père de La Rue, qui prêche le mieux. Le Père Bourdaloue ne prêche plus que rarement. »

Massillon suffira à remplir les quinze années suivantes et couronnera cette brillante carrière par son Petit Carême, son dernier chef-d’œuvre, déjà un peu amolli. Il connaissait trop bien le monde, il y avait trempé malgré lui ; les dames s’en étaient mêlées. Vers la fin, sous sa forme sacrée, ce n’était plus guère qu’un moraliste et un sage[1].


SUR LE PARALLÈLE DE PORT-ROYAL ET DES JÉSUITES.


(Se rapporte à la page 258.)


Le parallèle établi entre Port-Royal et les Jésuites, et qui a paru tout simple après la victoire des Provinciales, était chose reçue au commencement de ce siècle, et les écrivains les moins jansénistes, pourvu qu’ils fussent imbus de la bonne tradition française, en passaient par là. C’est ainsi que l’évêque d’Alais, M. de Bausset, au début de son Histoire de Fénelon, à côté d’un chapitre sur les

  1. Voir sur la seconde carrière de Massillon les Mémoires de Matthieu Marais, tome I, p. 487 ; en retrancher l’injure qui y est inutile et injuste ; mais y lire les faits articulés. C’est d’un contraste parfait avec le point de départ qui vient de nous être si fidèlement marqué.