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PORT-ROYAL.

Les suscriptions de ces lettres de Chapelain nous apprennent qu’à cette date de 1659, Lancelot, résidant toujours à Port-Royal ou à Vaumurier, était déjà le précepteur en titre du jeune duc de Chevreuse ; ce qui le couvrait aux yeux de l’autorité, et ne l’empêcha pas sans doute d’avoir encore quelques autres écoliers sous lui, jusqu’en 1660. On sait qu’il passa depuis, en 1669, à l’éducation des jeunes princes de Conti ; mais qu’il s’en retira en 1672, plutôt que de consentir, comme on le voulait, à conduire ses élèves à la Comédie. L’éducation des jeunes de Conti se mêlait fort alors avec celle du Dauphin[1], et Louis XIV, qui permettait à M. de Montausier d’être si rigoureux et si dur, n’entendait pas, pour cela, qu’on fût plus rigoriste qu’il ne convenait à ses vues. Ces spirituels Conti ne firent guère d’honneur moralement à leur sage précepteur. Le plus jeune des deux, d’abord prince de La Roche-sur-Yon, devenu

    braires de Hollande, qui ne méritent pas de réfutation ; mais Lancelot put être consulté par le traducteur, Filleau de Saint-Martin ; car ces trois Filleau (de La Chaise, des Billettes et de Saint-Martin) étaient tous trois amis de Port-Royal : ils faisaient contraste avec leur oncle, le célèbre Filleau, ancien avocat du roi à Poitiers, « fauteur déclaré et comme écrivain gagé des Jésuites, » auteur de la fable de Bourg-Fontaine.

  1. On lit dans les fragments de Mémoires du valet de chambre Dubois que j’ai déjà cités (Bibliothèque de l’École des Chartes, deuxième série, tome IV, page 35), juste au moment où il prend son service près du Dauphin, âgé de dix ans, alors à Saint-Germain : « Ce même jour (2 juillet 1671), Messeigneurs les princes de Conti, âgés de 10 à 12 ans, vinrent à l’étude de Monseigneur, qui expliqua en latin et en françois la chute de David avec Betsabée, la mort d’Uri, comme Absalon tua son frère et la raison du viol de sa sœur Thamar, la révolte d’Absalon, sa mort… L’étude finie, ils entendirent la messe et dînèrent avec Monseigneur. L’après-dînée ils furent longtemps sur la terrasse… » Il est à croire que Lancelot, ce jour-là, accompagnait ses élèves. Mais ce fut quelque autre jour que l’un des princes de Conti, en jouant avec trop de pétulance, cassa le nez à Monseigneur, qui en garda toute sa vie les marques.