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PORT-ROYAL.

car tout vieillit ; mais l’équivalent en notre temps, c’est-à-dire, une Logique où après avoir adopté cette division (des idées, des jugements ou propositions, du raisonnement, de la méthode), cette division-là, ou telle autre suffisamment établie, on parcourrait ce cadre en promenant ses réflexions sur chacun des points, sans aucun système, sans même celui du soi-disant Éclectisme qui en est un, mais selon le simple bon sens direct appliqué en chaque rencontre. On renouvellerait les exemples, on rajeunirait les digressions ; au lieu des critiques de Flud et de Lulle, on ferait passer sous les yeux, en les appréciant, les résultats empruntés aux principaux systèmes plus modernes ; on tirerait à clair leur phraséologie ; on percerait à jour les cloisons, le plus souvent très-minces, qui les séparent. Dans cet examen critique, on se rangerait provisoirement aux principes les plus plausibles, les plus indiqués par le bon sens général, sans prétendre sur toutes ces choses avoir trouvé le dernier mot. En maintenant tout sentiment honorable et moral, on ne supprimerait pas, on laisserait entrevoir le côté physiologique des questions. Puis, ce cadre amplement et librement parcouru, on congédierait ses élèves, non pas après leur avoir enseigné un système, un corps de doctrine, mais après avoir choisi des exemples dans tous, et en avoir discouru sensément à l’occasion ; et pour conclusion finale et morale, comme dans la Logique que nous venons de feuilleter, on leur dirait, — sinon tout à fait comme ce philosophe ancien : Mes amis, il n’y a pas d’amis ; — du moins : Mes amis, il n’y a point de Logique ni de philosophie qu’on apprenne, il y a celle qu’on se fait ; et plus heureux, comprenant toutes ces choses, quand on sait mieux et qu’on s’en passe !

Je n’ai rien à dire des Éléments de Géométrie, si ce n’est que Pascal, qui les avait lus en manuscrit, les jugea