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LIVRE QUATRIÈME.

le sujet : « Liberté à chacun de dire comment il tourneroit la matière de chaque vers. Il part une épithète d’un coin ; il en vient une plus juste d’un autre. Avec la permission de parler, qu’on demande et qu’on obtient par un signe seulement, pour éviter la confusion, on juge, on critique, on rend raison de son choix. Ceux qui ont le moins de feu s’évertuent, et tous essayent au moins de se distinguer. » Ceci rentre dans ces petits défis dont a parlé Du Fossé, et qui tendaient, quoi qu’on en dise, à entretenir une certaine émulation. Je ne réponds pas que ce Règlement d’Études d’Arnauld, composé plus tard selon toute vraisemblance, ait été positivement en vigueur à Port-Royal ; mais l’esprit est bien le même ; c’est le même but poursuivi par les mêmes moyens. Le but consiste à régler tellement les Études, qu’il soit moralement impossible d’en sortir sans entendre le latin facilement, et sans avoir lu la plus grande partie des auteurs dits classiques. Les moyens, c’est de rendre la route agréable, animée ; c’est, par l’exclusion des vers latins dans les hautes classes[1], des thèmes dans les petites, et des leçons qui ne produisent rien qui vaille, de se ménager un temps où l’on explique sans cesse les auteurs de vive voix, où l’on se rende compte, où l’on interroge, et où l’esprit de l’écolier, toujours présent, soit forcé de s’intéresser en payant, pour ainsi dire, à chaque instant de sa personne : préparation, en effet, bien propre à former des hommes capables dans les professions diverses, dans les Parlements et dans les Conseils de l’État.

Pour le grec, il en est très-peu question dans le Règle- 1.

  1. En reproduisant l’opinion d’Arnauld et celle de Port-Royal, je ne voudrais pourtant pas avoir l’air de dire des vers latins plus de mal que je n’en pense. Pour moi, je les ai beaucoup aimés ; j’en ai fait avec un goût décidé, je l’avoue, et j’ai cru par là pénétrer plus avant dans le secret de la muse antique. Mais ce qui est vrai, c’est qu’il ne faudrait pas imposer à tous, au même degré, ce qui est la vocation et la curiosité seulement de quelques-uns.