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PORT-ROYAL.

heurtant, se piquant et chopant contre tout ce qu’ils rencontrent, sans espérer de jouir jamais de la lumière du jour[1]. »

Je n’irai pas plus loin dans cette espèce de tableau que j’emprunte à une simple préface. Notre auteur est entré dans beaucoup de détails concernant les auteurs qu’on peut expliquer dans les différentes classes ; mais c’est l’esprit avant tout et la marche dès le début que je tenais à constater. Le reste se déduit sans peine. On voit maintenant que si, dans les Écoles de Port-Royal, on ne développait pas ce genre d’émulation qui naît du désir de surpasser les autres, on n’y négligeait nullement cet attrait naturel qui naît du fond même des choses et de l’intérêt vrai qui s’y rattache.

« Je n’ai point parlé des vers latins, dit en un endroit l’excellent anonyme, parce qu’il me semble qu’il suffit d’avoir montré en troisième à les mesurer, à les tourner et à les rassembler ; il faut suivre en ce point le génie des écoliers. » Ce sage avis se rapporte tout à fait à celui que donne Arnauld dans son Règlement d’Études : « C’est ordinairement un temps perdu, dit le sensé docteur, que de leur donner des vers à composer au logis. De soixante et dix ou quatre-vingts écoliers, il y en peut avoir deux ou trois de qui on arrache quelque chose : le reste se morfond, ou se tourmente pour ne rien faire qui vaille. » Mais Arnauld conseille de proposer à tous de composer sur-le-champ une petite pièce de vers dont on leur donne

  1. Il ne faudrait pourtant pas être injuste pour le Despautère original et primitif : l’abbé de Longuerue, critique sévère, en faisait le plus grand cas, et disait qu’on ne le pouvait trop relire pour acquérir le fond de la Latinité : « Non pas, ajoutait-il, le Despautère châtré et mutilé, tel qu’un je ne sais qui l’a accommodé pour les Collèges, mais l’in-folio imprimé en 1538 par Robert Estienne, qui n’étoit pas eu réputation de prendre la peine d’imprimer de sots livres. » Ces livres voués à l’usage ont leurs vicissitudes comme les Empires.