instruire : nous nous assemblâmes tous au logis de feu mon père, où mon frère nous fit entendre que toutes les questions de la Grâce, qui faisoient tant de bruit, rouloient sur un pouvoir prochain et sur un pouvoir éloigné, que la Grâce donnoit pour faire de bonnes actions. Les uns disoient qu’à la vérité, lorsque saint Pierre pécha, il n’avoit pas la Grâce qui donne le pouvoir prochain de bien faire, mais qu’il avoit la Grâce qui donne le pouvoir éloigné, laquelle ne fait jamais faire la bonne action, mais en donne seulement la puissance ; et qu’ainsi M. Arnauld avoit eu tort d’avancer qu’on trouvoit en saint Pierre un Juste à qui la Grâce, sans laquelle on ne peut rien, avoit manqué ; parce que saint Pierre avoit en lui la Grâce qui donne le pouvoir éloigné de bien faire. Mais les autres soutenoient que, le pouvoir éloigné ne produisant jamais la bonne action, et saint Pierre n’ayant point eu la Grâce qui la produit, M. Arnauld n’avoit point mal parlé quand il avoit dit que la Grâce, sans laquelle on ne peut rien, lui avoit manqué, puisqu’à parler raisonnablement, le pouvoir qui ne produit jamais son effet n’est point un vrai pouvoir. Nous vîmes par-là que la question méritoit peu le bruit qu’elle faisoit. Mon frère le receveur raconta cette conférence à M. Vitart, intendant de M. le duc de Luines[1] qui demeuroit au Port-Royal, et lui dit que Messieurs du Port-Royal dévoient informer le public de ce qui se passoit en Sorbonne contre M. Arnauld, afin de le désabuser de la croyance où il étoit qu’on accusoit M. Arnauld de choses fort atroces. Au bout de huit jours, M. Vitart vint au logis de mon frère le receveur, qui demeuroit avec moi dans la rue Saint-François au Marais, et lui apporta la première Lettre Provinciale de M. Pascal. « Voilà, lui dit-il en lui présentant cette lettre, le fruit de ce que vous me dites il y a huit jours Cette Lettre, qui ne parle que du pouvoir prochain et du pouvoir éloigné de la Grâce, en attira une seconde, et celle-là une autre… Voilà quel en a été le sujet et l’origine. »
- ↑ Et cousin de Racine ou, si l’on veut, son oncle à la mode de Bretagne.
Faculté pour refus de signer la Censure. En 1669, après la Paix de l’Église, on en comptait encore vingt-deux à rétablir dans leurs droits. Le docteur Perrault mourut en 1661.