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PORT-ROYAL.

cette abbaye, n’ont jamais manqué de rendre en toute rencontre des témoignages très-avantageux de tout ce qu’ils avoient vu aussi bien que moi… À l’égard des instructions qu’on nous donnoit touchant la foi et la piété, elles étoient assûrement bien différentes de ce que quelques personnes mal intentionnées et mal informées en ont publié dans le monde. Nous avions pour Catéchisme celui qui a pour titre Théologie familière, imprimé avec privilège du Roi et approbation des Docteurs. On nous expliquoit les principaux points de la foi et les vérités de l’Évangile d’une manière simple, et proportionnée à la portée de notre esprit. On nous inspiroit surtout la crainte de Dieu, l’éloignement du péché, et une très-grande horreur du mensonge. Aussi je puis dire que je n’ai jamais connu de personnes plus sincères, et avec qui il fallût vivre plus à cœur ouvert…
« Quant à ce qu’on a publié qu’on nous enseignoit dans les Petites Écoles de Port-Royal[1] que Jésus-Christ n’étoit pas mort pour tous les hommes, que Dieu ne vouloit pas que tous les hommes fussent sauvés, que les Commandements étoient impossibles, et autres choses de cette nature, je serois coupable si je n’attestois qu’il n’y a rien de plus faux. Je ne crois pas même avoir jamais entendu parler de ces sortes de propositions dans tout le temps que j’ai employé à mes études, mais seulement lorsqu’un Almanach insensé et outrageux parut dans Paris, dans lequel on en parloit[2]
1.

2.

  1. Sur ce nom même de Petites Écoles, qui fut de bonne heure adopté et consacré pour les établissements de Port-Royal, on peut remarquer que c’était une manière modeste de signifier qu’on ne prétendait point faire concurrence aux Collèges de l’Université, mais en quelque sorte y préparer. Il fallait alors une préparation avant de faire entrer les enfants au Collège, dont les classes commençaient par la sixième ; cette préparation avait lieu d’ordinaire ou chez les parents, ou dans de Petites Écoles proprement dites. Port-Royal, en donnant à son essai d’institution ce dernier titre, s’en couvrait de la manière la plus modeste et la moins faite pour donner ombrage. Il est vrai que les élèves, une fois entrés dans ce régime d’études, se passaient très-bien ensuite des Collèges ; mais on ne l’affichait pas.
  2. L’Almanach des Jésuites, publié en décembre 1653. Du Fossé avait alors 19 ans.