ruption humaine, s’exprimeroit de la manière suivante ? « Il me paroit en général que l’esprit dans lequel saint Paul écrit, étoit de montrer l’homme dans un jour odieux. Il s’acharne à nous peindre tous méchants et malheureux. Il impute à l’essence de notre nature ce qui n’appartient qu’à certains hommes ; il dit éloquemment des injures au genre humain. J’ose prendre le parti de l’humanité contre ce misanthrope sublime ; j’ose assurer que nous ne sommes ni si méchants ni si malheureux qu’il le dit. » Vous vous récrieriez contre l’impiété de ce langage. Voilà pourtant mot pour mot ce que M. de Voltaire dit de Pascal, qui parle de la nature humaine, considérée dans l’état de péché, tout comme en parle saint Paul, et qui n’a fait tout au plus que développer les idées de cet Apôtre. »
Au tableau tout optimiste que Voltaire a tracé du bonheur de l’homme en civilisation, M. Boullier répond :
« Pascal nous dépeint la déplorable condition de l’homme qui ne sait en ce monde ni d’où il vient, ni où il va : ignorance qui, pour peu que l’homme réfléchît sérieusement sur lui-même, lui feroit bien sentir sa misère. À cela M. de Voltaire oppose[1] le bonheur dont jouit dans une grande ville, comme Londres et Paris, la multitude qui vit sans réflexion. Ce n’est point réfuter Pascal, ni convaincre son tableau de mensonge. Les hommes sont infiniment plus malheureux qu’ils ne croient : car, pour ne pas sentir sa misère, on ne laisse pas d’être misérable. Il est vrai que leur condition est supportable, qu’elle est même douce à bien des égards. Ils jouissent des biens de la nature, des dons de la Providence, des douceurs de la société dont cette même Providence forme et entretient les nœuds ; tout cela ensemble fournit une ample matière à leur gratitude. Mais leur condition naturelle n’en est pas moins misérable, à les considérer comme privés des secours de la Religion, et mettant à quartier[2] les