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LIVRE TROISIÈME.

en se réservant la haute main. Deux ou trois ans avant l’affaire actuelle, il avait essayé de ramener à ses idées le vertueux duc son paroissien, en des conférences auxquelles le Père Des Mares assistait[1]. En tout, le digne M. Olier, comme saint Vincent de Paul, comme M. Eudes, comme M. de Bernières-Louvigni, appartenait, dans le dix-septième siècle, à la respectable famille de ces doux, qui, je l’ai fait remarquer plus d’une fois, n’eurent guère jamais à l’égard des nôtres que du miel aigri[2].

C’est sur ce refus de sacrement parti de Saint-Sulpice, qu’Arnauld écrivit sa Première Lettre à une Personne de Condition, qui commence en ces termes : « Le désir

    qui s’en moque doucement, en conclut que Dieu permet quelquefois que les plus grandes choses du monde s’exécutent par des visionnaires, et tirent leur origine de visions. Ceci est du Voltaire à la Nicole, et insinue avec sérieux et humilité une petite part d’ironie dans l’histoire religieuse. Une telle idée, pour peu qu’on la poussât, mènerait loin.

  1. Un récit très-circonstancié de ces conférences, transmis par le Père Rapin, et dans un sens tout favorable à M, Olier, a été inséré dans le n° 4 (décembre 1859) des Études de Philosophie et d’Histoire, publiées par les Pères Daniel et Gagarin. — Ce récit se retrouve dans les Mémoires, aujourd’hui publiés, du Père Rapin.
  2. On trouve, au tome second des Mémoires (manuscrits) de M. de Beaubrun, dont il sera parlé ci-après, le récit original de cette affaire par M. de Liancourt lui-même. M. Olier y est positivement impliqué. Ce récit diffère d’ailleurs, en quelques points, de la version que nous avons donnée et qui résume l’essentiel. M. Picoté ne laissa échapper en effet dans le confessionnal qu’une partie des griefs au sujet de ces gens-là, comme il désignait les Jansénistes ; le reste fut dit plus en détail par le curé de Saint-Sulpice, parlant à la duchesse de Liancourt, dans une visite qu’elle lui fit quelques jours après de la part de son mari. — Les Mémoires du Père Rapin abondent sur cette affaire, et le même M. Picoté y paraît (surtout dans les Notes) un homme presque à canoniser, un simple à lumières surnaturelles. Les Sulpiciens aussi le révèrent comme celui à qui M. Olier se confessait et de qui il a pu dire : « Il me semble que Dieu me parie par sa bouche,