a entendu autrefois ; seulement l’à peu près, sur quoi porte-t-il ? en quoi s’écarte-t-il de l’exacte vérité ? Pascal voyait toujours un abîme ! Mais quand il sortait dans la rue, quand, trois mois avant sa mort, il faisait cette charité, qu’on n’a pas oubliée, à cette belle jeune fille, en s’en revenant de l’église Saint-Sulpice, ce jour-là il marchait droit et n’avait pas d’abîme. Ainsi il faut modifier le toujours. Cela dura peut-être quelques semaines seulement. Et à quelle époque ? Les conteurs d’anecdotes s’embarrassent bien de ces détails[1] ! Allons, point de rigorisme pourtant ; je ne veux pas tout à fait supprimer ni combler l’abîme ; il a servi et peut encore servir à de belles métaphores. Que feraient les poètes, dit Pascal lui-même, si la foudre tombait sur les lieux bas ? Le feriuntque summos fulmina montes reste une belle image. Mais si tout autre qu’un poète, si un de ces savants qui se piquent de rigueur, si un physiologiste venait, sur la foi de cette anecdote, réclamer Pascal comme un de ses malades et faisait mine de le traiter en conséquence, oh ! alors, au nom du bon sens comme du bon goût, nous lui dirions : Holà !
Sans prétendre nier les singuliers accidents nerveux de Pascal, et leur contre-coup sur son humeur ou sur sa pensée, nous maintenons qu’à cette distance, et dans l’état des renseignements transmis, il n’y a lieu à venir asseoir là-dessus aucun diagnostic, comme on dit[2]. Ce qui nous paraît au contraire positif, c’est que, si malade des nerfs qu’on le voie en effet, Pascal demeura jusqu’à
- ↑ Ferai-je remarquer encore que, dans la lettre de l’abbé Boileau, tout ce passage sur l’abîme est souligné, comme si l’abbé directeur faisait allusion aux termes d’un récit que la demoiselle vient de lui faire, et avec lequel il veut à son tour faire cadrer le sien ? « Vous me parlez d’un abîme, eh bien ! j’en ai précisément un à vous citer » c’est l’impression exacte qui résulte de la lecture.
- ↑ Rejoindre ceci à ce qu’on a lu au tome II, livre III, chap. V, page 503.