qu’il mériterait un immortel souvenir. Port-Royal, après tout, ne serait qu’une tombe, si l’esprit de piété vive, si ce côté d’ardente Sainteté saisi d’une façon si sublime par Pascal, par Saci, par Lancelot, par tant d’autres des plus humbles, ne lui laissait un des aspects dominants de l’éternelle Vérité.
La sœur de Pascal, celle qui était religieuse à Port-Royal, mourut dix mois avant lui. Quand on parle des gens de Port-Royal, c’est toujours à l’article de la mort qu’il faut le plus s’arrêter. La mort est le grand moment de la vie du Chrétien ; on peut même dire que c’est la chose importante et unique, à laquelle pour eux tout vient se ranger. Et tandis que le commun des hommes l’élude, la supprime en idée, et, à l’heure fatale, y glisse ou s’y jette en fermant les yeux, comme font les enfants quand ils ont peur, eux les Chrétiens véritables quand ils se sentent en venir là, même les plus humbles et les plus tremblants, ils s’y relèvent pour la regarder en face ; ils ont leur lutte héroïque et leur champ de bataille, où toute leur âme se déploie[1].
La Sœur de Sainte-Euphémie était sous-prieure et maîtresse des novices au monastère des Champs, lorsque commença la persécution pour le Formulaire. Nous avons laissé nos religieuses dans une sorte de trêve ; les solitaires eux-mêmes revenaient petit à petit au désert[2].
- ↑ On a remarqué (Buffon, Pascal, Bacon) que souvent la mort elle-même semble moins pénible à supporter que la pensée de la mort. La plupart des gens meurent assez aisément, à condition de ne pas trop s’en apercevoir et de n’y pas songer. « Le soleil ni la mort ne se peuvent regarder fixement, » a dit La Rochefoucauld. Comme devant l’extrême clarté, il y a de l’éblouissement devant les extrêmes ténèbres. Les philosophes épicuriens rappelaient toujours la mort, mais c’était surtout pour aiguiser le sentiment de la vie. La mort ! on s’accommode encore de la regarder de profil : le difficile est de l’envisager en face.
- ↑ Précédemment, chapitre XI, page l72 ; et chapitre XII, page 188.