pleine elle-même d’accommodements, et que Philinte ne dise guère jamais non tout court à ce qui est mal, Philinte reste honorable ; il ne prétend pas d’ailleurs à la haute vertu sainte ; mais ceux qui, en y prétendant, font le contraire, sont odieux. Toutes les fois donc qu’elle a été aux prises avec cette sorte d’ennemis, la morale dont je parle a été dans son beau. Telle nous l’avons vue à certains moments dans les luttes de la Restauration.
Vers la fin de Louis XIV, la même opposition s’était produite déjà ; et pour être sans lutte apparente, pour être couverte et dominée de l’autorité absolue du monarque, elle ne s’annonçait pas moins profonde. Il y eut également, et sous d’autres formes, dégoût, répugnance, et finalement explosion. Deux hommes, deux écrivains, sous ce régime, eurent le courage et l’honneur de protester au nom de la morale des honnêtes gens contre celle des faux dévots jésuitiques ; Molière et La Bruyère osèrent cela, et tous deux le firent en reprenant, en retrempant à leur usage, et avec leur génie propre, les armes que Pascal le premier avait inventées et illustrées. L’auteur du Tartufe, le peintre d’Onuphre, sont à cet égard des successeurs directs et des héritiers du Pascal des Provinciales.
Molière devina et dénonça le mal de plus longue main. Il semble, en vérité, qu’il ait vu venir à pas lents l’hypocrite, qui, à l’heure la plus florissante du règne, et du plus loin avant la vieillesse du monarque, convoitait cet âge déjà comme sa proie, et se promettait mystérieusement la puissance. Dès 1664, sept ans après les Provinciales, il avait essayé le Tartufe à Versailles ; il le risqua devant le public de Paris en 1667. La Bruyère, qui, à vingt longues années de là, peignait sur place Onuphre, et le courtisan en habit serré et en bas uni, dévot sous un roi dévot, et qui serait athée sous un roi