fataliste dans le sens de Hobbes, pas plus que celle de Pascal ne peut être dite égoïste dans le sens des Maximes de La Rochefoucauld, parce que cette doctrine chrétienne, bien qu’elle reconnaisse en plein et que peut-être elle surfasse (je ne l’examine point ici) le mal et l’asservissement de la nature, ne l’accepte pas comme définitif, et n’a de hâte que pour restaurer la substance malade et l’affranchir. En admettant que Jansénius ait eu tort, théologiquement parlant, de placer l’essence de la liberté déchue dans la volonté, même dans la volonté nécessairement déterminée, il est à très-peu près dans le cas de saint Thomas, lequel ne réserve pas d’ailleurs, autant que le fait Jansénius, la liberté souveraine et pleine de l’Adam primitif. Eh bien ! de Maistre viendra-t-il instituer le parallèle de saint Thomas et de Hobbes ?
J’irai plus avant, et m’expliquerai en toute franchise. Loin de moi de prétendre qu’il n’y ait qu’une manière d’être chrétien ! mais une des manières les plus directes de le devenir, c’est, à coup sûr, d’envisager la nature humaine déchue exactement comme le feraient Hobbes, La Rochefoucauld, Machiavel, ces grands observateurs positifs. Plus ce coup d’œil est triste à qui n’a pas l’âme très-ferme, ou même à qui, l’ayant ferme, l’a très-capable d’amour et très-avide de bonheur, plus il dispose et provoque au grand remède, au remède désespéré. On se demande si c’est là l’état vrai, définitif, si c’est tout, pendant, avant et par delà ; on cherche l’issue (comme Pascal) hors de cette foule misérable et de cette terre, jusque dans le désert du ciel, dans cette morne immensité d’espace et dans ce silence infini qui effraye. Or, cette issue étroite, difficile, presque introuvable, cette échelle inespérée de salut, c’est le Christianisme ; je parle du véritable.
Autrement, si l’on accorde à l’homme actuel tant