Page:Sainte-Beuve - Port-Royal, t3, 1878.djvu/227

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
217
LIVRE TROISIÈME.

me dégoûtent et m’ennuient, à n’en pouvoir parler. Que vous dirai-je ? il y eut la queue de Pascal, comme il y a eu la queue de Voltaire. Pascal, si vous voulez, c’est le Paul-Louis Courier du temps en original ; ce tas de volumes communs et copiés, de compilation polémique, c’est exactement sous Louis XIV le mauvais Constitutionnel de la Restauration, accueillant tout, croyant tout. Ou encore, pour épuiser les comparaisons qui rendent ma pensée, ils ressemblent à ces grossiers pamphlets qu’au dix-huitième siècle les Encyclopédistes mettaient sous le nom de Fréret, de Du Marsais ou de Mirabaud. Chaque parti en campagne traîne de ces grosses machines après lui.

Bien que Louis XIV eût défendu de nommer personne dans la condamnation que fit l’Assemblée de 1700 (les Propositions de la morale relâchée, on savait assez depuis longtemps de qui l’on entendait parler, dès qu’on prononçait ce mot. Aussi, l’idée étant condamnée, réprouvée, haïe du grand nombre, on en vint au Corps même en qui on la personnifiait, et les Jésuites en France durent périr.

Montesquieu a dit, dans une Pensée où vibre un perçant écho de celle de Pascal : « J’ai peur des Jésuites. Si j’offense quelque Grand, il m’oubliera, je l’oublierai ; je passerai dans une autre province, dans un autre royaume ; mais si j’offense les Jésuites à Rome, je les trouverai à Paris, partout ils m’environnent : la coutume qu’ils ont de s’écrire sans cesse entretient leurs inimitiés… » Quand c’était là l’opinion des philosophes indifférents ; quand l’opinion du Clergé mo-

    sent dire, on les aime et l’on a pour eux toute la charité que l’on doit ; mais on n’ose l’espérer. » Qu’on tienne un pareil langage par raillerie et ironie, je le conçois ; mais qu’on parle ainsi sérieusement, et au moment où l’on fait tout pour faire lapider les gens, c’est trop fort.