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PORT-ROYAL.

d’Augias sont vidées. À Pascal remonte la gloire de ce travail d’Hercule.

On peut dire que dans ce grand procès de la morale chrétienne gallicane, qui, gagné du premier jour, ne se jugea en dernier ressort qu’en 1700, si Bossuet tint finalement la balance, c’était Pascal qui avait apporté le glaive[1].

Je ne suivrai pas la série des attaques directes de Port-Royal contre les Jésuites, dans les nombreux volumes intitulés : La Morale des Jésuites extraite fidèlement de leurs livres (1667), la Morale pratique des Jésuites (1669-1694), etc., etc., qu’empilèrent successivement le docteur Perrault, Varet, Pontchâteau, Arnauld, Nicole. Après la victoire décisive des Provinciales, cela me fait l’effet du gros train et des fourgons qui, en traversant le champ de bataille, achèvent les blessés et broient sous leurs roues les morts. Je crois bien que ces volumes ont été grandement utiles au parti qui les publiait ; il est en toute matière des esprits lents et communs qui ne saisissent un résultat qu’à la seconde et à la troisième rédaction, et qui ont besoin qu’on s’appesantisse : il faut bien leur donner le temps d’arriver. D’ailleurs ce qui nous paraît aujourd’hui une suite d’avanies à des vaincus, n’était que représailles quand le Père de La Chaise régnait encore. Mais ces livres manquent par trop aussi d’esprit et d’équité, ou tout au moins de malice intelligente[2]; ils

  1. Un médecin dirait : « Le Christianisme en France était malade de langueur et de relâchement. Pascal et les Jansénistes lui ont remis, du moins, un peu de fer dans le sang, et lui ont redonné un temps de vigueur. On a crié contre leur théorie, on a profité de leur pratique. »
  2. Dans la Préface qui se lit en tête de cet arsenal d’anecdotes infamantes ramassées de toutes les parties du globe (La Morale pratique des Jésuites), il est dit : « On désire de tout son cœur que ce travail puisse être utile aux Jésuites, car, quoi qu’ils en puis-