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PORT-ROYAL.

ci, tout bien considéré, la préférence, parce que du moins ils ont gardé l’unité. Le Pascal se retrouve à ce coup-là[1].

  1. Madame de Longueville, assez nouvellement convertie, commence à nous apparaître comme se mêlant à ce débat : elle était alors à Rouen, et elle écrivait de là à une personne qui la tenait au courant des affaires de Paris :

    « De Rouen, ce 14 février 1658.
    « Vous pouvez juger avec quelle joie j’apprends le bon succès que Dieu a donné au zèle de MM. les Curés de Paris. Comme ceux de Rouen soutiennent la même cause et par le même principe, ils ont reçu aussi la même bénédiction. Le Soit montré (le Soit montré au Procureur général du Roi était la formule de prise en considération) leur fut hier accordé par le Parlement, quoique la veille on fût fort éloigné d’attendre cet événement favorable. Quand on soutient la cause de Dieu et qu’on le fait plutôt par la chaleur de la charité que par celle que notre amour-propre nous inspire, on doit tout attendre de sa protection. J’espère qu’il la donnera à son Évangile en cette rencontre, et que les juges spirituels feront au moins aussi bien que les séculiers. MM. nos Curés ont envoyé leur requête à M. notre Archevêque, à quoi j’ai joint une de mes lettres. Priez Dieu que l’indignité qui est en moi pour soutenir une cause si sainte ne nuise pas à l’œuvre de Dieu. Je vous demande une relation fidèle de tout ce qui s’est passé depuis la première que vous m’envoyâtes jusques à cette heure, et depuis cette heure jusques à la consommation de l’affaire. Il faut, s’il vous plaît, que cela soit séparé de vos lettres parce que je veux en faire part à quelqu’un de mes amis qui sont (sic) dans une grande ferveur pour le soutien de la morale chrétienne. Prenez donc ce soin, je vous supplie, avec votre ponctualité ordinaire. Je commence à bien espérer contre ma coutume, et à croire que Dieu protégera la vérité et la sainteté, de son Évangile contre le mensonge et la corruption des hommes. Mais en même temps je commence aussi à craindra dans l’occasion du petit triomphe qui se prépare pour la bonne cause. J’appréhende avec grande justice de m’en réjouir trop humainement, et que je sois moins touchée en cela de la gloire de Dieu que de la mienne : je dis de la mienne, parce qu’il y en a toujours à être du parti victorieux. Priez donc Notre-Seigneur que je reçoive cette joie comme une chrétienne et non pas comme une séculière ; c’est-à-dire que je m’humilie d’être si peu digne d’être du bon parti, lorsque tant d’autres qui ne l’ont pas tant offensé que moi sont du mauvais ; que je ne me répande point trop sur la victoire que Jésus-Christ va remporter, mais qu’au lieu de cela je recourre à lui pour le supplier d’achever son œuvre et de me préserver de me l’approprier à cause du peu de zèle qu’il m’a donné pour cette cause que je le supplie de me faire regarder comme la sienne et non pas comme la mienne… »


    On a déjà dans cette lettre toutes les longueurs, les subtilités, les scrupules à l’infini qui se retrouveront dans tout ce qu’écrira madame de Longueville, devenue pénitente.