Page:Sainte-Beuve - Port-Royal, t3, 1878.djvu/199

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
189
LIVRE TROISIÈME.

jours gardé au cardinal de Retz une grande reconnaissance de ses bons offices à leur égard, et l’expression même de cette reconnaissance, qui va jusqu’au naïf, suffirait au besoin pour les justifier du soupçon d’être entrés en profonde complicité politique avec lui. Quand ils parlent de la radiation d’Arnauld en Sorbonne : Qu’attendre, ajoutent-ils, d’une Société qui ne rougit point de chasser de son sein le cardinal de Retz, son propre archevêque, l’un des plus habiles théologiens ?… Théologien, à la bonne heure ! il l’était en effet, comme à d’autres moments Cartésien[1] ; il jouait à tous les jeux de son temps ; mais nos bons amis ne disent pas le reste. Dans les petites biographies en note qu’ils donnent de lui, ils essayent de nous le montrer comme pénitent dans ses dernières années et devenu fort solitaire : il ne tiendrait qu’à nous de prendre ce mot-là dans le sens rigoureux, si nous ne savions de qui il s’agit. Ils font de même (moins inexactement sans doute, mais non pas moins improprement) pour Boileau, qu’ils nous représentent, en vieillissant, devenu solitaire[2] ; et en général ils traduisent volontiers toute vieillesse de leurs amis en solitude de désert et en pénitence janséniste.

C’est le moment peut-être de bien fixer les relations de Retz et de Port-Royal, qui ont déjà été touchées en passant. Cette petite diversion nous est bien permise en sortant des ennuis que nous a causés la Sainte-Épine. Petitot, s’emparant ici de plusieurs passages des Mémoires de Gui Joly, a noirci le plus qu’il a pu le tableau, et y a broyé de la politique. On ne saurait pourtant en dé-

  1. Voir dans les Fragments de Philosophie cartésienne de M. Cousin le piquant chapitre sur le cardinal de Retz Cartésien.
  2. Voir dans le petit Nécrologe, en sept volumes, au tome IV, pages 49 et 309. C’est à mesure qu’on avance dans le dix-huitième siècle que ces points de vue du passé s’arrangent de plus en plus. — Est-ce que, en histoire ecclésiastique, cela aurait lieu généralement ainsi ?