était au milieu d’une multitude. Or, c’est cet état qui est le plus contraire à la solitude que Dieu demande de nous, et dans laquelle il dit qu’il veut mener l’âme pour lui parler au cœur : Ducam eam in solitudinem et loquar ad cor ejus. » Voilà donc la solitude du poète fort compromise et même décidément interdite ; il ne s’agit plus de s’écrier avec Horace, l’aimable poète paresseux :
… … Nunc somno et inertibus horis
Ducere sollicitae jucunda oblivia vitæ ;
ni avec Virgile, le poète rêveur : O ubi campi ! et ce qui suit ; ni avec Boileau, le poète auteur :
Je trouve au coin d’un bois le mot qui m’avait fui ;
et ces beaux vers encore sur le tourment poétique dans l’Épître à son jardinier :
… … C’est en vain qu’aux poètes
Les neuf trompeuses Sœurs dans leurs douces retraites
Promettent du repos sous leurs ombrages frais :
Dans ces tranquilles bois pour eux plantés exprès,
La cadence aussitôt, la rime, la césure,
La riche expression, la nombreuse mesure.
Sorcières dont l’amour sait d’abord les charmer,[1]
De fatigues sans fin viennent les consumer.
Sans cesse poursuivant ces fugitives Fées,
On voit sous les lauriers haleter les Orphées…
Saint-Cyran (chez Lancelot) s’y oppose précisément : « Il ne vouloit pas qu’on s’amusât tant à épiloguer sur les paroles, et à être plus longtemps à peser les mots qu’un avaricieux ne seroit à peser l’or à son trébuchet, parce que rien ne ralentit plus le mouvement de l’Esprit Saint que nous devons suivre. Il disoit que cette grande justesse de paroles étoit plus propre aux Aca-
- ↑ Sorcières, c’est le mot même de Saint-Cyran : une niaiserie qui ensorcelle.