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LIVRE DEUXIÈME.

fais grâce des preuves. Il y a certes, dans ces discours, maint passage ingénieux et même spécieux de gravité ; mais, au point d’initiation où nous sommes, cela ne nous saurait faire illusion. Dans le VIIe discours, à propos d’une paraphrase de psaume qui venait d’arriver de Languedoc, il s’agit de critiquer les paraphrases en général, celles du moins qui ne respectent pas la simplicité et la majesté du texte divin, celles qui frisent et parfument les Prophètes : « Il falloit, dit tout d’abord le Socrate, il falloit suivre M. l’évêque de Grasse et ne pas faire effort pour passer devant. En matière de paraphrases, il a porté les choses où elles doivent s’arrêter. » Ce nec plus ultra de M. de Grasse, ainsi posé au début, sert d’ouverture à une longue tirade contre les paraphrastes à la mode : Balzac n’y est autre que le paraphraste très complaisant de sa propre idée. Ce VIIe discours a nom la Journée des Paraphrases comme nous disons la Journée du Guichet : sans flatterie, j’aime mieux la nôtre.

Un seul trait du Socrate chrétien peut en donner la mesure. C’est, au discours XIe, l’éloge qu’un des interlocuteurs, tout frais arrivé de la Cour, se met à faire de monsieur l’abbé de Rais (Retz), et le parallèle qu’il établit de ce dernier à saint Jean Chrysostome.[1] On sait, en effet, que Retz, encore abbé, s’avisa de vouloir réussir dans les sermons et y fit éclat. On ne savait pas généralement alors (ce dont il s’est vanté depuis) que c’était une pure gageure de vanité, et que madame de Guemené avait son compte sous tous ces Carêmes et ces Avents. Mais, divination à part, il est de ces panneaux où les gens fins ne donnent jamais. Avec Retz, tout comme précédemment avec Richelieu, Balzac y donna.

  1. Au livre XI des Lettres de Balzac, il en est une (la XVIe) adressée au Coadjuteur, et où il est salué pour son éloquence dans l’Église comme un autre Fils du Tonnerre.