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où il se trouve plus facilement, selon l’adresse que lui-même nous en a donnée : il n’a pas dit qu’il étoit l’or des palais et la pourpre de la Cour ; il a dit qu’il étoit la fleur des champs et le lys des vallées.[1]

« Bien heureux sont ceux qui cueillent cette divine fleur dans les champs de Saint-Mesmin, qui en font des bouquets et des guirlandes, qui se couronnent de Jésus-Christ !… Je voudrois bien être de ceux-là, et travailler à la fin, après tant de paroles et d’écritures, à la seule chose nécessaire. »

Balzac exécuta son dessein, non pas en allant au couvent de Dom André près Orléans, ses proches s’y opposèrent ; mais il se fit bâtir, aux Pères Capucins d’Angoulême, deux chambres dans une situation parfaitement belle, d’où la vue s’étendait sur toute la campagne, et il allait souvent s’y recueillir durant les dernières années, en compagnie, est-il dit, de ses Muses devenues tout à fait chrétiennes. Il ne songeait pas à s’appliquer ce mot de Saint-Cyran que « rien n’est si dangereux, quand on se retire du monde, que de s’en faire un petit. » Son Socrate chrétien date de ce temps. On a une relation très-détaillée de ses dernières occupations par un avocat, M. Morisset.[2] La littérature et l’Éternité se disputaient ses pensées. Il faisait des aumônes aux églises, donnait ici une lampe d’argent à l’autel, là une cassolette de vermeil avec un revenu annuel pour entretenir des parfums, et fondait un prix à l’Académie française pour ceux qui enverraient les meilleurs sermons. Ce prix de Balzac, après différentes transformations et adjonctions, est devenu le prix d’Élo-

  1. Balzac semble montrer en quelques endroits, comme ici, le sentiment de la nature, de la campagne ; son début du Prince a de la fraîcheur et du pittoresque. Je citerai encore sa lettre à Chapelain (mai 1638), vraie lettre du mois de mai, et où l’on ne voudrait effacer que ce nom de Chapelain qu’il met parmi les rossignols !
  2. À la fin du tome II des Œuvres in-folio.