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LIVRE DEUXIÈME.

que cette fatale plume les extermine. Tout cela ne me satisfait point ; j’en pense bien davantage que je n’en écris : je suis plein, je suis possédé de ce livre, il me tourmente l’esprit :

………….. Magnum nec pectore possum
Excussisse Deum
……………………

Or, presque à la même date (mars 1645), s’adressant à Costar, assez ignoble personnage, gras bénéficier du Mans et rusé épicurien d’église, il ne trouvait, sur ces mêmes questions où triomphait Arnauld, que pointes et jeux d’esprit : « Vous m’écrivez des merveilles sur le sujet du docteur disgracié pour avoir trop parlé de la Grâce. Ils sont étranges, vos docteurs, de parler des affaires du Ciel, comme s’ils étoient Conseillers d’État en ce pays-là, et de débiter les secrets de Jésus-Christ, comme s’ils étoient ses confidents. Ils en pensent dire des nouvelles aussi assurées et les disent aussi affirmativement que s’ils avoient dormi dans son sein avec saint Jean… À votre avis, ne se moque-t-on point là-haut de leur empressement et de leur procès ? » En raillant ainsi, il n’était pas plus philosophe que tout à l’heure il n’était chrétien ; il servait chacun selon son goût, moyennant la même hyperbole, n’étant précisément ni de mauvaise foi avec lui-même ni sincère, fidèle seulement au son qu’il tirait de sa cymbale et aux beaux yeux que faisait au soleil sa plume de paon.

Les lettres de Balzac à Conrart sont semées de questions empressées sur Port-Royal comme sur l’hôtel Rambouillet, de retours de curiosité vers M. Le Maître, dont Conrart était parent, et de qui Balzac espérait toujours tirer ces grands, ces riches, ces magnifiques Plaidoyers, comme un régal pour son esprit languissant. Il envoie aussi force remerciements à M. d’Andilly, alors solitaire, pour les ouvrages qu’il reçoit de lui : « Ils me feront homme de bien. Et quel plaisir d’être mené à la