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LIVRE DEUXIÈME.

Le docteur Arnauld eut part, à son tour, à l’admiration de notre grand Épistolier. On trouve, à la fin d’un recueil de pièces sur le livre de la Fréquente Communion par le Père Quesnel,[1] des extraits de quelques lettres de Balzac à Chapelain. Le Père Quesnel a paru les prendre au sérieux en les insérant à la suite des témoignages ecclésiastiques les plus honorables à ce livre. Il faut en donner quelque chose ici. Qu’on ne croie pas du tout que ce soit une guerre à l’auteur : mais on a parlé de lui souvent à première vue et sans l’avoir étudié de très-près ; on a indiqué comme un simple trait de son talent ce qui en est le fond même. Puisqu’il s’est rencontré pour nous des occasions, que je puis dire intimes, de mettre cette nature à jour, ce serait duperie

    complètent la physionomie de Saint-Cyran, et qui le montrent tel qu’il était devant ceux dont il prisait médiocrement l’estime :

    « Vous m’avez donné un portrait en petit de l’Abbé qui a fait peur à nos zélateurs. Je ne l’ai vu que deux fois en ma vie chez notre ami de Pomponne ( M. d’Andilly) qui était malade à la mort. Il me sembla homme de bonne intention, et s’il n’est pas dans le bon chemin, je suis trompé s’il ne croit y être. Du reste, son discours entrecoupé et sautelant, et quelques raisonnements informes et à demi exprimés, ne me laissèrent pas persuader qu’il fût si grand personnage que l’on me l’avoit représenté, et je vous avoue qu’en ces occasions je respectai plus sa réputation que sa personne. Toutefois il ne conversoit pas pour me plaire, et sans doute ne se soucioit pas de me donner bonne opinion de lui. Il peut être aussi aisément que sa santé ou l’état de son malade ne lui eût pas laissé tout l’usage de son esprit, et, en ces matières de juger d’autrui, ma maxime est de croire que les vertus sont journalières, et qu’il n’y a qu’une longue pratique qui en puisse faire porter un jugement assuré. Je m’en rapporte au vôtre entièrement, puisqu’il est fondé sur votre expérience, et je penche d’autant plus volontiers à croire qu’il y a du creux dans son affaire, que je ne doute plus qu’il n’ait le plus contribué à faire passer carrière à M. Le Maître, c’est-à-dire à me donner un des plus sensibles déplaisirs que j’aie jamais reçu. »

    On ne voit pas nettement dans la lettre de Balzac ce qui se rapporte au creux dont parle Chapelain, et elle semble plutôt toute laudative. Y aurait-on retranché à l’impression, et par égard pour les amis, quelque trait moins favorable à M. de Saint-Cyran ? — Au reste, ce creux n’est pas très-clair dans la lettre de Chapelain.

  1. Très-humble Remontrance à messire Humhert de Precipiano, archevêque de Malines, 1695.