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au reste, avec mademoiselle de Gournay, la même façon qu’on lui a vue précédemment avec Richelieu : il ne pense qu’à la grandeur de la louange, nullement à la finesse, et ne se doute pas des circonstances désagréables qu’il y fait entrer.

Je pourrais dénombrer tous les noms célèbres du temps, Gomberville, Coëffeteau, d’Ablancourt, Bois-Robert, à qui il écrit sur ce ton de largesse ; car il était de cette vanité littéraire si pleine et surabondante que, commençant par elle-même, elle se répand volontiers sur les autres. Sa propre satisfaction, étant immense, noyait dans son cœur l’envie et ne laissait pas aliment à la longue colère. Après cette grande guerre, à laquelle donna lieu un mot de sa part imprudemment lâché contre les moines,[1] il se réconcilia avec ceux qui lui avaient le plus vivement riposté, et en particulier avec Dom André de Saint-Denys ; il se réconcilia fort tendrement, au lit de mort, avec un M. de Javersac qu’il avait fait bâtonner autrefois, dit-on, pour l’avoir critiqué : car encore, parmi ses prétentions au gentilhomme, Balzac avait cela, tout bon prince qu’on l’a vu, d’être un peu prompt au bâton et à la houssine, mais par la main des autres.

Hors ses phrases auxquelles il tenait fort, il n’était d’aucun parti en son temps ; il correspond tour à tour avec M. de Saint-Cyran et avec le Père Garasse ; à Gomberville il parlait Polexandre et Jansénisme, à Costar il écrivait des espèces de badineries sur la Grâce, puis,

  1. « Que si quelques petits moines qui sont dans les maisons religieuses, comme les rats et les autres animaux imparfaits étoient dedans l’Arche, veulent déchirer ma réputation, etc. » (Lettre 30e. du Livre IV, à monsieur le Prieur de Chives, octobre 1624.) Les Feuillants prirent la chose pour eux et relevèrent l’injure, un jeune moine d’abord, Dom André de Saint-Denys, puis le Général de l’Ordre en personne, le Père Goulu, qui intervint sous le pseudonyme de Phyllarque. Ce fut bientôt une mêlée générale.