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PORT-ROYAL

çonne plus d’un illustre moderne de n’être pas si loin de Balzac qu’il le croit.

À M. Conrart, qui était de la Religion réformée, Balzac écrivait : « Vous ne penseriez pas que le nombre de vos vertus fût complet, si vous n’y ajoutiez l’humilité, et vous me voulez montrer qu’il y a des Capucins huguenots. » Des Capucins, parce qu’ils font vœu d’humilité : nous saisissons le procédé, une métaphore hyperbolique associant des images imprévues qui étonnent, et qui veulent plaire encore plus qu’elles n’y réussissent.

Il remercie M. Godeau (1632) de lui avoir envoyé sa Paraphrase des Épîtres de saint Paul : « Il n’y a plus de mérite à être dévot. La dévotion est une chose si agréable dans votre livre que les profanes mêmes y prennent du goût, et vous avez trouvé l’invention de sauver les âmes par la volupté. Je n’en reçus jamais tant que depuis huit jours que vous me nourrissez des délices de l’ancienne Église, et que je fais festin dans les Agapes de votre saint Paul. C’étoit un homme qui ne m’étoit pas inconnu ; mais je vous avoue que je ne le connoissois que de vue. ( Il prend le ton cavalier) … Votre Paraphrase m’a mis dans sa confidence et m’a donné part en ses secrets. J’étois de la basse-cour, je suis à cette heure du cabinet… Vous êtes, à dire le vrai, un admirable déchiffreur de lettres. » Tout est dans ce ton ; il se prenait lui-même au sérieux dans ces badinages ; mais les esprits vraiment sérieux ne s’y trompaient pas.

Toutes les critiques qu’on peut faire à Balzac, celles en particulier que je lui adresse, ne lui ont pas manqué dans le temps. Mais, des renommées littéraires, il ne parvient à la postérité et il ne ressort finalement que la résultante ; les protestations qui y entraient dès l’abord sont oubliées. Dans le cas présent, celles qui, ayant été imprimées à l’état de pamphlets, ont laissé quelque trace,