Page:Sainte-Beuve - Port-Royal, t2, 1878.djvu/61

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
51
LIVRE DEUXIÈME.

Jean-Louis Guez de Balzac, né en 1594, à Angoulême, d’un père gentilhomme de Languedoc et attaché au duc d’Épernon, fut d’abord lui-même attaché à ce seigneur fastueux et à son fils le cardinal de La Valette, pour lequel il fit le voyage de Rome (1621). Dix ans auparavant, il avait fait, pour son propre compte et en tout jeune homme, le voyage de Hollande avec le poète Théophile Viaud, qui, sous les verrous, plus tard en jasa. À son retour de Rome, il écrivait à l’évêque d’Aire Le Bouthillier, qu’il y avait laissé : « Monseigneur, si d’abord vous ne connoissez pas ma lettre, et si vous voulez savoir qui vous écrit, c’est un homme qui est plus vieux que son père, qui est aussi usé qu’un vaisseau qui auroit fait trois fois le voyage des Indes, et qui n’est plus que les restes de celui que vous avez vu à Rome. » Balzac, à cette date (1622), avait à peine vingt-huit ans ; le voilà qui, pour plus de commodité, se constitue solennellement malade, un peu à la Voltaire ; il se confine aux bords de la Charente, dans sa terre de Balzac, qui provenait de sa mère, et il n’en sort plus qu’à de rares intervalles, pour aller à Paris, où l’attirent faiblement quelques lueurs de fortune sous le ministère de Richelieu. Il avait en effet, ainsi que M. de Saint-Cyran, connu le prélat avant sa plus haute élévation. Au moment du séjour de l’évêque de Luçon près de la Reine-mère, à Angoulême, je crois distinguer non loin de lui, dans un petit groupe, les trois figures assez agissantes de Le Bouthillier, de Saint-Cyran et de Balzac.[1]

    Pressensé, M. Eugène Bersier a cherché à s’armer contre moi de ce passage même qu’il m’empruntait au sujet de Balzac (décembre 1857), et s’est cru en droit de me ranger aussi parmi les rhéteurs amoureux de l’image ; il est possible qu’il se soit mépris. (Voir l’Appendice à la fin de ce volume.)

  1. L’historien de Louis XIII, M. Bazin, dans une Notice sur Balzac, a fort bien esquissé le léger rôle politique du littérateur à ce moment.