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PORT-ROYAL.

nous oblige de les aider par tous les moyens à se reconnoitre et à rentrer dans leur devoir à notre égard, comme nous leur serions redevables d’un pareil secours s’il s’agissoit de l’intérêt d’un autre. Mais il faut prendre garde de ne se point tromper en cela, et d’agir par une cupidité secrète qui pourroit se couvrir du prétexte de charité : il faut, au contraire, que ce soit par un désir (hors de tout intérêt) de voir la justice gardée en tout.»

Admirable direction ! tout est prévu. Il ne s’agit que d’une dot pour un couvent ; mais c’est le même champ de l’âme où se livrent tous les combats.

M. Singlin néanmoins, après y avoir mieux pensé, entre dans le sentiment de la mère Angélique, et il décide que le plus sûr est d’écrire qu’on renonce à tout ; s’il y a simple malentendu, et si les cœurs sont plus d’accord qu’il ne semble, cela s’éclaircira de reste à la première entrevue. La sœur de Sainte-Euphémie n’a plus qu’à obéir ; son cœur est dompté, mais il l’est avec plus de confusion encore que de joie. Par un dernier subterfuge de l’amour-propre, elle demande, puisqu’on la veut bien recevoir gratuitement, à n’être reçue du moins que comme sœur converse. Cette petite humiliation la tranquilliserait ; et puis elle rendrait à la maison quelque chose en travail pour ce qu’elle reçoit. M. Singlin l’entend, pèse tout, et refuse.

Tandis qu’elle est occupée à rédiger la lettre à ses parents, une lettre dans les termes prescrits, sans trop de chaleur, sévère pourtant, affectueuse aussi, exempte surtout de tout dépit, de faux courage et de bravade, la mère Angélique arrive de Port-Royal des Champs, et dans ce petit drame intime le principal personnage s’introduit. Il est des scènes et des paroles qu’on ne saurait que reproduire :

« Cette lettre, qui ne pouvoit pas être courte, m’ayant occupée presque jusqu’au soir, continue la sœur de Sainte-