Page:Sainte-Beuve - Port-Royal, t2, 1878.djvu/496

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
486
PORT-ROYAL.

M. Pascal père mourut à Paris, le 24 septembre 1651, dans de grands sentiments de piété. Le curé de sa paroisse, M. Loysel de Saint-Jean-en-Grève, crut devoir prononcer son éloge funèbre en chaire, ce qu’il n’avait jamais fait pour aucun de ses paroissiens.

Le plus grand obstacle à la profession de mademoiselle Pascal semblait levé : une nouvelle difficulté succéda. Son frère, qui, le premier, l’avait introduite à la haute piété, qui l’avait confirmée dans son désir d’entrer en religion, s’était, depuis l’année 1649, remis au monde et d’une façon plus animée et plus engagée que jamais. La défense que les médecins lui avaient faite de tout travail d’esprit avait été l’occasion, et le goût bientôt était venu. C’était pure mondanité pourtant, sans vice aucun ; de la dissipation, mais sans dérèglement. Le deuil qu’il ressentit de la mort de son père[1] lui fit désirer de garder avec lui sa sœur ; il ne lui parla d’abord que de retarder d’un an son entrée à Port-Royal, et il ne parut pas supposer qu’elle pût n’y point consentir. Elle se tut, par respect pour sa douleur, attendit l’arrivée de madame Périer, à qui elle s’ouvrit de sa résolution persistante, et les partages de la succession terminés, le


    s’engageant aux choses à quoi Dieu ne les appelle pas, ne déterminent rien jusqu’à ce qu’ils aient consulté Dieu plusieurs fois. C’étoit une maxime de M. de Saint-Cyran, qu’il falloit parler cent fois à Dieu des choses importantes avant de les résoudre, et cela par imitation des grands retardements que Dieu a apportés dans ses plus grandes œuvres. » Ainsi la sœur de Pascal, très-loin de Port-Royal en apparence, en recevait de source et par voie secrète le primitif enseignement.

  1. On a de très-belles et très-chrétiennes pensées de Pascal, extraites d’une lettre écrite sur la mort de son père (17 octobre 1651). Cela est un peu embarrassant, et paraît peu cadrer avec l’ensemble de ses sentiments à cette époque. Il faut croire qu’il n’en avait pas changé encore au fond sensiblement. Et puis la contradiction et la lutte étant le propre de son état durant ces années, il put bien avoir en effet, sous le coup du deuil, un retour chrétien passager.