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PORT-ROYAL.

Rouen, et en demeurant chez lui trois mois de suite, l’entretinrent de la renaissance religieuse dont ils étaient de vivants exemples ; ils lui prêtèrent à lui et à sa famille, les livres de Saint-Cyran, la Fréquente Communion, surtout un petit Discours de Jansénius intitulé : De la Réformation de l’Homme intérieur, traduit par M. d’Andilly, et dont les pensées (conformes à celles du chapitre VIII, livre II, De Statu Naturse lapsæ, de l’Augustinus ) en firent jaillir d’analogues que l’on retrouve à la trace dans Pascal.

Ainsi, par exemple, lorsque observant que les uns ont cherché la félicité dans l’austérité et l’orgueil, les autres dans les curiosités et les sciences, les autres dans les voluptés, Pascal ajoute : « Les trois Concupiscences ont fait trois sectes, et les philosophes n’ont fait autre chose que suivre une des trois. » Saint Jean l’avait dit[1]; Bossuet l’a repris et développé admirablement dans son traité de la Concupiscence ; mais Jansénius, en ce petit Discours, l’a le premier inculqué à Pascal, je le crois.

Ce qui, dans ce même Discours, était dit de la curiosité, dut en particulier frapper droit au cœur du jeune savant, sur qui ces remarques semblaient comme exprès dirigées. Cette page fut trop son miroir pour que nous la dérobions ici ; le premier ébranlement de Pascal vient de là :

« Voilà, disait Jansénius dans ce pur langage de M. d’Andilly, après avoir parlé des sens, voilà la règle que l’on doit suivre pour savoir ce que l’on doit refuser ou accorder à cette première passion, qui est la plus honteuse de toutes, et que l’Apôtre appelle la Concupiscence de la chair ; mais celui à qui Dieu aura fait la Grâce de la vaincre sera at-

    ce qu’on appelle vulgairement rebouteurs : mais ils y joignirent l’étude.

  1. Épître I, chap. II, vers. 16.