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LIVRE DEUXIÈME.

Arnauld donc ne reçut la prêtrise et ne prit le bonnet qu’au terme permis par le saint directeur. Dans le serment que font les docteurs, à leur réception, ils s’engagent à défendre la Vérité en toute rencontre, usque ad effusionem sanguinis,’’jusqu’à l’effusion de leur sang. Cette parole, qui, pour tant d’autres, n’était qu’une formule, eut tout son sens et son poids redoutable dans la bouche du jeune militant : ce sang qu’il brûlait de répandre pour la Vérité colora tout d’un coup son front.

L’Augustinus de Jansénius venait de paraître en 1640 et commençait à faire bruit. Arnauld, poursuivant ses études au sein de la pénitence, s’essayait dès lors par divers écrits particuliers à sa grande guerre prochaine contre les Jésuites et à la défense du livre qui allait supporter tant d’assauts. Mais le plus grand résultat, très éclatant et très prompt, de son étude dirigée dans les voies de Saint-Cyran, ce fut le livre de la Fréquente Communion qui parut en 1643, et qui vint, en un sens pratique, indirectement et plus efficacement que tout, aider aux rudes doctrines relevées par Jansénius. Nous ne parlons pas de l’ouvrage encore ; nous en saisissons seulement l’inspiration dans l’âme d’Arnauld. On voit, par les lettres de Saint-Cyran, de quelle ardeur le prisonnier lui-même était dévoré à la suite de la publication de Jansénius, et quel zèle de feu il dut souffler au jeune et vaillant docteur. Le grand serviteur de Dieu, convenons-en, avait eu un instant de faiblesse : en mai 1640, à la sollicitation de M. d’Andilly, de M. de Liancourt, de M. de Chavigny particulièrement[1], il s’était laissé aller

    finances de Port-Royal et du Jansénisme depuis la donation du grand Arnauld jusqu’à la boîte à Perrette. Je crains que les éléments positifs du travail ne manquent ; car le secret absolu était précisément un ressort nécessaire de cette gestion.

  1. Léon Le Bouthillier, comte de Chavigny, était neveu de cet évêque d’Aire (Sébastien Le Bouthillier) avec qui M. de Saint-