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PORT-ROYAL.

se ranger à la suite de M. Le Maître, cet autre combattant plus qu’eux tous infatigable, ce pénitent, on l’a dit, à feu et à sang. On a de lui une Déclaration qui vient bien après ces pages de Du Fossé, en ce qu’elle exprime les mêmes sentiments, comme forcenés, d’extermination humaine et d’humiliation confondante. Jamais, je crois, l’humilité n’a pris d’aussi amères, d’aussi outrageuses représailles sur la nature. C’est le côté par lequel Port-Royal touche à La Trappe et à M. de Rancé, quand, sous les autres aspects, il paraît toucher plutôt aux Bénédictins de Saint-Maur et à Mabillon, quand par M. d’Andilly, il reste un peu à portée de la Cour et presque figurant de loin ces riantes et romanesques retraites imaginées en idée par Mademoiselle (de Montpensier), par madame de Motteville, ou même par mademoiselle de Scudéry.

Voici le principal de cette Déclaration ou Lettre de M. Le Maître aux Religieuses, pour implorer d’elles tout simplement le secours de leurs prières et leur intercession près de Dieu en vue de sa conversion vraie et de sa persévérance ; on n’en dit pas la date, sinon qu’elle est d’une veille de l’Ascension ; on la peut croire postérieure au retour des religieuses aux Champs :

« Quoique je ne sois qu’un misérable pécheur, écrit-il, couvert des crimes de ma vie présente, j’ai reçu néanmoins trop de preuves de la souveraine et ineffable miséricorde de Jésus-Christ mon Sauveur, pour n’espérer pas ma conversion de sa bonté et du secours des prières de ses fidèles servantes. C’est ce qui fait qu’encore que je sois indigne de parler seulement à la moindre des Religieuses de cette maison, et que la Mère Abbesse sache que je devrois chercher une caverne dans la terre, pour m’y cacher et y pleurer mes péchés et ma pénitence même, qui a été si fausse et si déplorable, je ne laisse pas de croire qu’Elle et ses bonnes Sœurs… ne me refuseront pas la prière que je leur fais…, résolvant de vivre et de mourir avec le nom et l’habit, non