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LIVRE DEUXIÈME.

tion, entre autres, de mon frère de Sainte-Marguerite est la tentation la plus forte que je souffre : sans cela j’aurois trop bon marché de la pénitence. »

M. Pallu, une fois à Port-Royal, devint naturellement le médecin des solitaires, des pauvres des environs et aussi des religieuses lorsque, par la suite (après Pâques de 1648), elles furent revenues en partie aux Champs : toute son ambition dernière s’étendait à les servir. Fontaine nous l’a peint sous d’aimables et vivantes couleurs : « Il y fit bâtir (dans le jardin du monastère) un petit logis, mais bien troussé, qui a depuis été appelé le petit Pallu, et à cause de la petitesse bien juste et bien ramassée de ses appartements, et à cause de la taille de son maître, qui avoit tout petit, excepté l’esprit : petit corps, petit logis, petit cheval, mais tout bien pris tout bien proportionné et bien agréable. Mon Dieu ! qui n’eût pas aimé ce bon solitaire ? On avoit presque de la joie de tomber malade afin d’avoir le plaisir de jouir de ses entretiens. … » On reconnaît que M. Pallu n’avait pas tout laissé de la Cour et du commerce des Grands en les quittant, et que chez lui, l’aimable vivacité, la gentillesse gardait son étincelle dans la pénitence. Étant médecin, le jour même de sa réception, bonnet en tête, et plus tard en y revenant à loisir dans son jardin de Tours, il avait traité la question du rire, l’avait montré utile et salutaire, et en avait écrit en latin d’assez jolies choses.[1] Rieur par nature, il avait pris, j’imagine, quelque chose de son sujet en lui. La conversion ne lui avait pas tout ôté. Une pièce de vers latins qu’il composa sur sa retraite, sous le titre de Vale Mundo (Adieu au Monde), attesterait encore cette heureuse facilité d’un esprit qui avait sa

  1. «Salibus ut sale utendum est, qui, nisi cum temperamento adhibeatur, male sapit atque amaricat.» (Quœstiones medicœ tres, auctore M. Victore Pallu, Turonibus, 1642)