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PORT-ROYAL.

ces, de ce royalisme quand même (vrai pendant du catholicisme quand même), et à se bien trancher et séparer d’avec l’abbé Grégoire qu’on lui opposait.[1] Malgré tout, malgré ces preuves positives et ces dénégations sincères, comme si la situation était plus forte que les hommes, une certaine veine secrète, sinon de rébellion, au moins d’indépendance au temporel, n’a cessé de courir dès l’origine et de se gonfler peu à peu dans la postérité de Port Royal.

L’intervalle de paix et d’étude pieuse, sur lequel M. de Saint-Cyran comptait à sa sortie de prison, ne fut que de courte durée. Il avait paru de lui, un mois environ avant sa sortie, un petit Catéchisme sous le titre de Théologie familière, composé à la prière de M. Bignon pour l’instruction de ses fils. Les Jésuites cabalèrent assez auprès du Conseil de l’archevêque de Paris pour obtenir de ce prélat faible et peu éclairé un Mandement où il y avait une phrase contre le petit livre. Ce Mandement était déjà envoyé par les paroisses, lorsqu’on fut averti à temps ; et M. Arnauld auprès des docteurs du Conseil, et madame de Guemené auprès de M. de Paris lui-même, firent tant d’instance et de diligence qu’un autre Mandement, survenant le dimanche matin (1er février 1643), un peu avant l’heure où l’on devait lire le premier au prône, le put révoquer et remplacer. Mais, le roi mort, les ennemis ne se tinrent pas pour battus et recommencèrent leurs trames autour du Conseil de l’archevêque. Ils voulaient obtenir du moins d’y faire comparaître M. de Saint-Cyran pour qu’il eût à s’expliquer, se réservant toujours de traduire ensuite le procès à leur manière et d’y donner tournure, quelle que fût l’issue. Ils se prenaient surtout à un endroit du livret,

  1. Première Lettre à l’Auteur des Mémoires pour servir à l’Histoire ecclésiastique… Paris, 1815.