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PORT-ROYAL.

parents pour reconnoître la charité que vous ferez à ceux-ci à ma prière ; outre que je vous aiderai d’ici à la leur rendre comme il faut, et serai, si vous voulez, leur sous-maitre, pourvu que vous me disiez de point en point tout ce qui se passera. » M. de Saint-Cyran sous-maître, du fond de sa tour, à travers ses barreaux, quel plus adorable déguisement de la charité ! Vers le même temps, ayant l’œil à tout, il envoyait au monastère des Champs le neveu d’un de ses gardes, un simple garçon cordonnier, que l’esprit de piété avait touché, et qui se nommait Charles de La Croix. Ce fut le premier domestique des ermites, et ermite lui-même. Il y eut ainsi par la suite, à Port-Royal, toute une série de domestiques solitaires et pénitents, dont ce Charles de La Croix est le premier ; il faut citer encore Innocent Fai, garçon charretier aux Granges. Ils ont tous place au Nécrologe à côté des plus illustres noms, des de Luines, des Longueville et des Pascal ; et pour eux, sur leur dalle funéraire, M. Hamon semble sculpter avec un redoublement d’amour ses pieuses Épitaphes d’un latin si fleuri.

M. de Saint-Cyran convertit ou du moins édifia, consola plusieurs de ses compagnons de captivité, des étrangers prisonniers de guerre à Vincennes. On cite les généraux allemands Ekenfort et Jean de Wert. Le premier était détenu au château depuis mai 1638, lorsqu’on agita de l’échanger contre M. de Feuquières fait prisonnier à Thionville et allié des Arnauld.[1] M. d’Andilly ne s’y ménagea point ; il avait rencontré plus d’une fois M. d’Ekenfort près de M. de Saint-Cyran, à qui le guerrier malheureux venait demander des consolations spirituelles. M. Arnauld (de Philisbourg),

  1. Madame de Feuquières était la sœur de M. Arnauld (de Philisbourg) et la cousine-germaine de M. d’Andilly.