Page:Sainte-Beuve - Port-Royal, t2, 1878.djvu/177

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
167
LIVRE DEUXIÈME.

Sesmaisons, lequel, aidé des Pères Bauni et Rabardeau ses confrères, s’appliqua à le réfuter. Cet Écrit du Père de Sesmaisons, à son tour, revint par madame de Guemené aux mains de M. Arnauld qui en fut scandalisé. Il y avait, entre autres énormités de complaisance, que plus on est dénué de Grâce, plus on doit hardiment s’approcher de Jésus-Christ dans l’Eucharistie. Le Père de Sesmaisons était, en un mot, de cette dévotion aisée, dont Pascal a fait justice ; il était de ceux qui mettent des coussins sous les coudes des pécheurs, pour parler avec Bossuet et avec l’Écriture, et il eût donné envie de dire comme dans la Ballade de La Fontaine :

C’est à bon droit que l’on condamne à Rome
L’Évêque d’Ypre, auteur de vains débats ;
Ses sectateurs nous défendent en somme
Tous les plaisirs que l’on goûte ici-bas.
En Paradis allant au petit pas,
On y parvient, quoi qu’Arnauld nous en die.
La volupté, sans cause, il a bannie.
Veut-on monter sur les célestes tours.
Chemin pierreux est grande rêverie :
Escobar fait un chemin de velours.

C’est contre ce chemin de velours si bien indiqué par le Père de Sesmaisons à ses nobles pénitentes, qu’Arnauld lança le livre de la Fréquente Communion, où il évita d’ailleurs, en mentionnant l’Écrit, de nommer et même de désigner le Jésuite réfuté : discrétion qui fut en pure perte et ne lui servit en rien auprès de la Compagnie.[1]

  1. On avait pensé à entrer directement en matière, sans mentionner même l’Ecrit en question ; mais M. de Saint-Cyran avait craint, et non sans fondement, qu’on ne s’imaginât alors que M. Arnauld combattait en l’air. — Du côté des Jésuites, il fut reproché à M. Arnauld d’avoir eu un tort grave de procédé, en divulguant, contre toutes les lois de la société civile, un Écrit qui n’était qu’une lettre particulière et confidentielle, et qu’une indiscrétion ou un