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LIVRE DEUXIÈME.

hors, on peut appeler du nom de subtilité scolastique tout ce qui est raisonnement sur les matières de métaphysique divine ; mais le livre de Jansénius est relativement pur d’excès pédantesque. Lui et M. de Saint-Cyran, on le sait, avaient pour principe de remonter aux sources, soit à celles des Pères et de l’Écriture, soit à l’observation immédiate de la nature humaine sous l’illumination de l’amour de Dieu et sous le rayon de la prière. On a entendu M. de Saint-Cyran, dans son bel entretien suprême avec M. Le Maître, s’expliquer assez nettement sur la Scolastique, à commencer par saint Thomas. Jansénius pensait ainsi ; il a évité la méthode sèche de division et de subdivision des Thomistes ; il a fait véritablement un livre de première main, où tout est de souche, un livre où la vie et la sève théologique percent à chaque rameau, bien que ce soit et que ce doive être une étude toujours assez difficile que de se diriger à travers cette ramure.

L’ouvrage n’est qu’un tissu des textes de saint Augustin mis en ordre et en évidence, et formant un système complet. Saint Augustin lui ayant paru posséder l’entière vérité sur ces matières, il s’attache à bien retrouver et à démontrer la doctrine du saint docteur ; il la développe en toute abondance et sans jamais perdre de vue les preuves, tournant contre les Semi-Pélagiens modernes et les Molinistes ce que ce Père avait dirigé contre ceux d’autrefois. En un mot Jansénius ne suit jamais la méthode scolastique, mais bien la méthode historique, qu’il accompagne et cherche à éclairer par la méthode psychologique et métaphysique chrétienne.[1]

Le fondement du système de Jansénius, ou de saint

  1. La méthode psychologique chrétienne diffère essentiellement de la méthode psychologique des philosophes en ce que celle-ci