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LIVRE PREMIER

seul en interdit au sein d’un pays et d’un temps tout chrétien dont il demeurait la gloire. La même Bulle accordait aussi à ce couvent de pouvoir servir de retraite à des séculières qui, dégoûtées du monde, voudraient faire pénitence sans se lier par des voeux. C’était un commencement et comme une promesse de ce qu’on vit plus tard refleurir et s’accomplir par les pénitences libres et les retraites à Port-Royal de mesdames de Luynes, de Vertus, de Longueville, de Liancourt.

Les guerres avec les Anglais au quatorzième et au quinzième siècle, les guerres de religion au seizième, hâtèrent sans doute la dissolution de la discipline à Port-Royal, comme partout ailleurs dans les monastères dispersés aux champs. Ce qu’on y voit dans le courant du seizième siècle devient intéressant à relever, parce que c’est de là que la mère Angélique est partie pour sa réforme, et parce que, dans le cadre d’un seul couvent, on a l’image de ce qui se passait dans tous ; et de la ruine de l’institution religieuse en France à cette époque.

La dernière moitié du quinzième et la première du seizième siècle nous offrent à Port-Royal deux abbesses, tante et nièce, appelées toutes deux Jehanne de La Fin, qui apportèrent quelque réforme, non pas spirituelle, mais d’économie et de bonne gestion dans les biens du monastère, qui recouvrèrent et accrurent la terre des Granges sur la hauteur, et d’autres prés ou bois avoisinants. La seconde, la nièce, rétablit de plus les lieux réguliers, répara l’église, fit faire le clocher à neuf, donna les stalles de chœur. Elle était représentée sur son tombeau, non plus avec le manteau mondain comme sa tante, mais avec la coulle, manteau particulier à l’Ordre. Il y eut donc sous cette abbesse un commencement d’ordre extérieur, et elle mérita une flatteuse