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APPENDICE.

jamais l’intolérance de 1793, parce que je n’entends pas que de niais philosophes et des sycophantes blâment l’intolérance religieuse et monarchique. »

Après un plat et pompeux éloge de l’empereur Nicolas, qui apparemment l’avait bien accueilli en Russie, et qu’il proclame le seul « homme en ce moment à la hauteur de son Empire, digne de la grande Catherine et de Pierre le Grand, à la fois Pape et Empereur, » il revient à Port-Royal qu’il confond de plus en plus, dans son invective, avec la monarchie de Juillet :

« La Bourgeoisie d’aujourd’hui, avec son ignoble et lâche forme de gouvernement, sans résolution, sans courage, avare, mesquine, illettrée, préférant, pour sa Chambre, des nuages au plafond de Ingres, et représentée par les gens que vous savez, était tapie derrière Messieurs de Port-Royal. Cette arrière-garde et cette arrière-pensée expliquent pourquoi des hommes comme Molière, Boileau, Racine, Pascal, les Bignon, etc., se rattachaient secrètement ou ostensiblement à Port-Royal. »

Molière non loin des Bignon et rattaché à Port-Royal ! — Mais ne nous arrêtons pas en si beau chemin :

« Au lieu d’embrasser ce sujet si vrai, si naturel, de dominer trois siècles, savez-vous ce qu’a fait M. Sainte-Beuve ? Il a vu dans le vallon de Port-Royal des Champs, à six lieues de Paris, à Chevreuse, un petit cimetière où il a déterré les innocentes reliques de ses pseudo-saints, les niais de la troupe, des pauvres filles, des pauvres femmes, des pauvres hères bien et dûment pourris. Sa blafarde muse, si plaisamment nommée résurrectioniste, a rouvert les cercueils où dormait et où tout historien eut laissé dormir la famille entêtée, vaine, orgueilleuse, ennuyeuse, dupée et dupeuse, des Arnauld ! Il s’est passionné pour les immortels et grandioses messieurs Du Fort, Marion, Le Maître, Singlin, Bascle, Vitart, Séricourt, Floriot, Hillerin, Bazile…
« Rebours, Guillebert, Le Pelletier, Bourdoise, Gaudon, Ferrand, Hamon
, voilà des grands hommes oubliés dans les catacombes de l’histoire et auxquels il signe des certificats de vie. »

Ce M. Du Fort qui commence la liste est sans doute M. Arnauld Du Fort, frère de M. Arnauld l’avocat, et dont je n’ai parlé et dû parler que dans les préliminaires de mon sujet. Toute cette liste, au reste, est dressée par un ennemi qui ne sait point la valeur des noms, qui les brouille encore plus plaisamment que méchamment, et qui, dans ses quiproquos burlesques, se méprend sur les points mêmes d’attaque qu’il pourrait trouver. C’est ainsi vraiment que l’on choisirait ses adversaires, si l’on en avait le choix.

Je n’épuiserai pas cet arsenal de mauvaises raisons et d’injures. En un endroit, M. de Balzac s’en prend à Pascal lui-même et relève une bévue du grand écrivain moraliste, qui a dit :

« Je n’admire pas un homme qui possède une vertu dans toute sa per-