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PORT-ROYAL.

tion au retour à la vérité. Le Concile de Trente a frappé les hérésies de Calvin, de Luther ; s’ensuit-il que les travaux de Bellarmin, de Grégoire de Valentia, de Bécan, de Cotton, de Richeome, de Fronton du Duc…, sont travaux inutiles ? »

« Mais n’est-il pas à craindre que les Jansénistes profitent de nos attaques pour écrire contre la Compagnie ? Ils n’en écriront pas moins contre nous. Cette raison n’a pas empêché nos Pères de combattre l’erreur.

« Nos ennemis nous ont fait payer cher l’accroissement de la Compagnie ; mais toutefois ils ne peuvent pas nous le contester ; et après les attaques des Kemnitz, des Anti-Cotton, des Pasquier, des Arnauld, Marion, etc., nous voit-on encore sur pied, non sans peine, non sans douleur, non sans quelques contusions, mais soutenus et fortifiés par notre innocence et la bonté de notre cause. »

« Je conviens qu’il faut un grand discernement dans le choix de ceux qui doivent répondre aux ennemis de la vérité, une exactitude extrême à ne laisser rien échapper de répréhensible ; mais enfin ces précautions sont faciles à prendre. D’après ce que je viens de dire, Votre Paternité saura quel est mon avis sur la matière en question. — François Annat »

Sur quoi le Pure Oliva répondit, le 14 mai 1663 :

« … Convient-il d’écrire contre les Jansénistes ? — Je réponds (qu’ici (à Rome) on n’approuve point de voir imprimer tant d’écrits, et que le silence est de beaucoup plus agréé que la plume.[1] Toutefois cette considération ne me toucheroit pas au point de m’empêcher de préférer une généreuse défense de l’Église contre les hérétiques, entreprise par notre Société, à l’exemple de tous les Saints Pères, s’il n’y avoit danger qu’on ne nous imputât à nous-mêmes les maux que nous souffrons des écrits des adversaires et les troubles qu’ils excitent contre l’Église et contre la paix du royaume, et que ce reproche ne nous fût fait même auprès du Roi Très-Chrétien et par ses propres ministres. C’est à Votre Révérence surtout qu’il appartient de bien savoir ce qui en est sur ce point. Que si elle peut s’assurer que l’on ne sera désapprouvé ni par le Roi Très-Chrétien, ni par ses principaux ministres, et surtout par son excellent Chancelier, je ne m’oppose nullement que, sous les conditions que Votre Révérence a touchées, on ne puisse combattre contre les hérétiques. »[2]

  1. Dans une lettre adressée au Père Castillon, Provincial de France, le père Oliva disait la même chose : « Nos amis ici, les hommes prudents, n’approuvent pas qu’on écrive contre les Jansénistes ; c’est, disent ils, leur fournir l’occasion de soulever de nouvelles tempêtes. » (1er janvier 1663.)
  2. Voici le texte latin :
    « Expeditne scribere contra Jansenianos ?
    « Respondeo, hic non probari tot libros typis dari, et silentium longe gratius esse quam calamum. Quod tamen non me ita movet quin generosam Ecclesiae defensionem, more Sanctorum Patrum omnium, contra hae-