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PORT-ROYAL.

M. Arnauld, qui était entreprenant, parvint à se sauver par une adresse singulière : cela se lit en détail dans les Mémoires de l’abbé Arnauld[1]. Sa fenêtre donnait à une grande hauteur sur le fossé de la ville : il s’agissait, pour descendre, de fabriquer une échelle de cordes. Il imagina toutes les fois qu’on le laissait sortir avec ses gardes, de les faire jouer à un jeu qui s’appelait sangler l’âne, dans lequel on lie avec une corde l'un des joueurs. Le jeu fini, le bout de corde était jeté à terre et oublié des gardes, mais ramassé par l’un des compagnons de M. Arnauld, tant enfin qu’il en eut assez pour son échelle. Il avait, de plus, fait pratiquer à l'avance quelques cavaliers français qui étaient au service de l’Empereur, et auxquels il promit de l’emploi dans son régiment des carabins. Bref, le jour pris avec ces cavaliers qui l’attendirent en dehors, il gagna les champs ainsi que M. de Séricourt, se tira des rencontres auxquelles ses compagnons répondaient en allemand, et ils arrivèrent, après bien des traverses, à Venise, d’où ils regagnèrent la France. Le gouverneur qui les avait laissés échapper eut la tête tranchée. En 1637, étant au siège de La Capelle, M. de Séricourt se sentit touché du récit que lui fit un de ses compagnons d’armes d’un secours merveilleux envoyé du Ciel dans un danger, et, par un retour naturel, il rapporta ce trait à ce qui lui était arrivé de merveilleux à lui-même. Il fut également touché d’apprendre les progrès que faisait dans la piété son jeune frère, M. de Saci, qui était déjà sous la direction de M. de Saint-Cyran. Mais ce qui acheva de l’émouvoir, ce fut l’exemple de son illustre aîné, M. Le Maître.

Relevons, pourtant, cette particularité que c’est M. de Saci, le plus jeune des trois[2], qui servit l’impulsion

  1. Et dans ceux de Lancelot, t. I, p. 300 et suiv., avec de légères variantes.
  2. Il y eut en tout cinq frères. M. de n’était, je crois, que