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PORT-ROYAL.

qu’on le rejette, comme en avançant il l’a rejeté lui-même.

Or, je ne crois pas qu’en y regardant bien, il y ait un exemple plus complet que celui-là, du docteur intérieur et pratique de l’âme. On ne saurait être plus pénétré que ne l’était M. de Saint-Cyran de ce point : «Que l’homme a péché, qu’il est incurablement malade en lui-même ; qu’il n’y a de guérison et de retour qu’en Jésus-Christ ; que tout ce qui n’est pas cela purement et simplement est fautif et mauvais, que tout ce qui est cela devient salutaire, facile, sanctifiant.» Il s’en montre imbu plus absolument qu’on ne peut dire, et sans aucune de ces diversions, trop souvent mêlées, chez les directeurs des âmes, à cette idée qui (le Christianisme posé) devrait être, ce semble, l’unique. Guérir, guérir est son seul mot d’ordre, son seul soin et son cri ; combien peu s’y bornent ! Laver, purger ce qui souille toute âme et qui la diffame devant Dieu ! c’est dans ces termes énergiques qu’il s’exprime. On a vu saint François de Sales causant avec plusieurs, parlant à tous de Dieu et de l’amour, mais aussi s’accommodant de mille choses accessoires, les tolérant et les acceptant presque, traversant au besoin la politique sans y souiller son hermine, mais pourtant la traversant. Bossuet, à sa manière, et dans un autre genre, est ainsi : il a souci de cette terre, de la réalisation historique des grandes vérités chrétiennes ; il s’en occupe dans l’histoire même qu’il écrit ; il s’en souvient près des princes et seigneurs qu’il dirige ; il loue ces puissants de la terre en vue de certaines fins, hautes et désirables sans doute ; mais pourtant, en vue de ces fins, il fait un peu fléchir la parole et l’action, — il les loue. M. de Saint-Cyran (et je ne prétends pas ici préférer sa manière, car il peut y en avoir plusieurs, je veux seulement la caractériser), — M. de Saint-Cyran n’est pas tel ; il ne fléchit sur rien