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LIVRE PREMIER.

assez couramment force allusions de Jansénius à ses travaux de chaque jour, aux affaires de Louvain, aux prétentions des Jésuites, des particularités sur les neveux de M. de Saint-Cyran, Barcos et Arguibel, qui pour leurs études lui étaient confiés. Une phrase mal faite, par laquelle il écrit à son ami de ne pas s’inquiéter de la dépense pour Barcos, et qu’il est à même d’y pourvoir, sans s’incommoder, avec l’argent du collège, l’a fait accuser par ses adversaires (l’oserai-je dire ?) de vol, de détournement de fonds. En lisant avec loyauté, il paraît clair qu’il ne s’agit que de faire des avances qui doivent être remboursées. Dès qu’on touche au Jansénisme proprement dit, on se dérobe difficilement à ces aménités polémiques. Qu’il suffise d’avoir montré que nous ne les ignorons pas : nous en serons très sobre dorénavant. — Je relève, en les rendant supportables de grammaire, quelques phrases caractéristiques sur les projets et sur la doctrine :

« 20 juillet 1617… Vous savez, je crois, qu’il y a longtemps que l’archevêque de Spalatro, Italien, ou de bien près de là, a mis en lumière un petit livret où il rend raison de ce qu’il s’est retiré de la communion des Catholiques, ou du

    Cyran, et (sinon d’Andilly) un ou deux autres peut-être, ne me paraît aucunement impossible ni même improbable à cette date : il a dû se passer à Bourg-Fontaine ou ailleurs, en cette année, quelque chose comme cela. On a dû se réunir pour traiter de la cause religieuse, pour chercher à s’entendre et à se concerter sur une marche à suivre. Mais qu’a-t-on dit ? qu’a-t-on décidé ? que s’est-il passé positivement ? Là commence la conjecture et, de la part des Jésuites, la fable de Bourg-Fontaine : une pure fable en effet. Réfutée à diverses reprises et ruinée dans les principales circonstances qu’ils y dénonçaient, particulièrement insoutenable et absurde dans l’intention de déisme qu’ils attribuaient et prêtaient contre toute raison aux assistants, ils n’ont cessé pourtant de la remettre en circulation et de la reproduire, suivant cette observation très juste d’Arnauld : « Quand les Jésuites ont une fois avancé une calomnie, ils ne la retirent jamais. »