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PORT-ROYAL.

bientôt eux-mêmes une portion de ce mal, en voulant trop le combattre sur son terrain, avec ses propres armes mondaines, et en ignorant trop l’antique esprit pratique intérieur. En France particulièrement, aux premières années du dix-septième siècle, tout restait à relever et à réparer. Les guerres civiles, attisées au nom de la religion, l’avaient d’autant plus outragée et abîmée. Henri IV, en rétablissant l’ordre politique et la paix, fournit, en quelque sorte, le lieu et l’espace aux nombreux efforts salutaires qui allaient naître, et dont Port-Royal devait être le plus grand.

Autant le seizième siècle fut désastreux pour l’Église catholique (je parle toujours particulièrement en vue de la France), autant le dix-septième, qui s’ouvre, lui deviendra glorieux. La milice de Jésus-Christ, dans ses divers Ordres, se rangera de nouveau ; des réformes, dirigées avec humilité et science, prospéreront ; de jeunes fondations, pleines de ferveur, s’y adjoindront pour régénérer. Au milieu de ces Ordres brillera un Clergé illustre et sage ; et Bossuet, dans sa chaire adossée au trône, dominera. De tous les beaux-esprits, les talents et génies séculiers d’alentour, la plupart s’encadreront à merveille dans les dehors du temple ; aucun, presque aucun, ne soulèvera impiété ni blasphème ; beaucoup mériteront place sur les degrés.

Eh bien ! ce dix-septième siècle, si réparateur et si beau, arrivé à son terme, mourra un jour comme tout entier. Le dix-huitième siècle, son successeur, en tiendra peu de compte par les idées, et semblera plutôt, sauf la politesse du bien-dire et le bon goût dans l’audace (bon goût qu’il ne garda pas toujours), — semblera continuer immédiatement le seizième. On dirait que celui-ci a coulé obscurément et sous terre à travers l’autre, pour reparaître plus clarifié, mais non moins puissant, à