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PORT-ROYAL

a bien déjà épousé sa mère, à elle Valérie, sa mère qui n’était qu’une femme du peuple et qui avait donné un jour quelques pains au futur empereur encore soldat ; elle le voit de plus se choisissant, non pas seulement un collègue utile, Maximien-Hercule, pour soutenir le faix de l’empire, mais deux autres plus récents, Maximin[1] et Constance, qui semblent de peu d’appui :

Et pourquoi quatre chefs au corps de l’univers ?

Et elle semble prête à conclure de toutes ces fantaisies paternelles qu’il est fort possible qu’aujourd’hui Dioclétien la veuille marier à quelque gardien de troupeaux. Un page annonce Maximin arrivé de la guerre et Dioclétien en personne. Celui-ci entre en baisant les mains de sa fille :

Déployez, Valérie, et vos traits et vos charmes ;
Au vainqueur d’Orient faites tomber les armes.

Le berger, en effet, n’est autre que Maximin lui-même, naguère élevé par Dioclétien du rang le plus infime à l’empire, et qui par ses triomphes a justifié ce choix. En apprenant (pour la première fois à ce qu’il semble) ces antécédents de Maximin qui aujourd’hui incline devant elle ses lauriers.

 Et de victorieux des bords que l’Inde lave
Accepte plus content la qualité d’esclave,

Valérie ne voit plus rien de funeste dans le songe du matin, et s’écrie :

Mon songe est expliqué ; j’épouse en ce grand homme
Un berger, il est vrai, mais qui commande à Rome…

Tout cela, convenons-en, est fort mauvais ; nulle part

  1. Plus exactement ce serait Maximien Galère, mais Rotrou l’appelle d’un bout à l’autre Maximin pour le distinguer sans doute du premier Maximien.