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DE JOSEPH DELORME

Et qu’à terre abaissant ses rameaux éplorés
Il réclame ses fleurs ou ses beaux fruits dorés.
Les bras toujours croisés, debout, penchant la tête,
Convive sans parole, on assiste à la fête.
On est comme un pasteur frappé d’enchantement,
Immobile à jamais près d’un fleuve écumant,
Qui, jour et nuit, le front incliné sur la rive,
Tirant un même son de sa flûte plaintive,
Semble un roseau de plus au milieu des roseaux,
Et qui passe sa vie à voir passer les eaux.


LA CONTREDANSE

À une demoiselle infortunée.


Après dix ans passés, enfin je vous revois ;
Après dix ans ! c’est vous ;… au bal, comme autrefois ;
Oh ! venez et dansons ; vous êtes belle encore ;
Un riche et blanc soleil suit la vermeille aurore,
Et la rose inclinée, ouvrant aux yeux sa fleur,
Mêle un parfum suave à sa molle pâleur.
Laissez là cet air froid ; osez me reconnaître ;
Souriez comme aux jours où, sous votre fenêtre,
Écolier de douze ans, je ne sais quel espoir
Toujours me ramenait, rougissant de vous voir.
Levez ces yeux baissés et ces paupières blondes ;
Donnez la main, donnez, et tous deux dans les rondes,
Parmi les pas, les chants, les rires babillards,
Devisons d’autrefois comme font les vieillards.